Chapitre 20

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Se raviser

— Attends ! fit Tom. Ça veut dire quoi « Si j'en suis ! »

Agathe se retourna et, les yeux fixés au plafond pour y chercher ses mots, elle inspira, hésitante :

— Pardon, mais... commença-t-elle, les deux mains en avant et avec un léger mouvement de la tête. Tu t'es installé un peu à 'l'arrache', alors que les cours commençaient tout juste. D'habitude, on s'y prend tôt pour les demandes de logement. Et puis, c'est pas comme si ces chambres étaient des premiers choix. Faut pas se mentir.

Tom commençait à voir rouge :

— Je ne vois pas de quoi tu parles.

— Tu vas me dire que ça te convient, fit Agathe avec un geste ample pour désigner les chambres. OK ! C'est vrai que c'est propre et relativement calme et pour toi qui es plutôt taciturne... « Cloisonné » dans ton quotidien, ajouta-t-elle en mimant des crochets sur le dernier mot avec ses doigts. C'est parfait ! Au moins, tu es raccord avec le reste de la déco.

— De quoi tu parles ?! grogna Thomas.

À nouveau cette sensation d'asphyxier.

Le rythme cardiaque du jeune homme accéléra.

Et sa contrariété monta d'un cran.

— Tu es à l'image des habitants de cette maison, poursuivit Agathe. Barricadé dans ta tour d'ivoire. Ta solitude te rend-t-elle plus libre ? Plus heureux ?

— Je ne t'ai rien demandé !

Thomas serra les dents. Un frisson de rage parcourut sa nuque. Il tourna les talons, fouettant l'air d'un mouvement vif de la main pour couper court à la discussion. Pourtant, elle avait touché dans le mille. Et Dieu qu'elle faisait mal, cette vérité.

Mais allait-il capituler ? Non ! Il ne pouvait pas en rester là ! Alors il pivota vers Agathe et rétorqua :

— Que cherches-tu à prouver ? Que ma vie est un échec ! Que jamais je ne réussirai, malgré tous les efforts possibles ! Vois-tu, je suis fatigué. Les gens ne se rendent pas compte à quel point c'est épuisant de repartir de zéro ; alors que j'ai juste envie de me mettre sur 'pause' un instant et d'attendre que le monde ralentisse pour pouvoir remonter dans le wagon. Mais je sais qu'il ne m'attendra pas ! Si je rate le coche, tout est fini pour moi... Je ne dois pas me louper, cette fois ! Et si tu crois que c'est facile : trimer des années et réaliser qu'on a fait les mauvais choix. Recommencer à cause d'une stupide erreur... Je le touchais du doigt, ce putain de bonheur. Mais elle a bousillé ma vie.

Thomas était essoufflé, comme après une lutte avec un ennemi coriace.

Agathe avait écouté, patiemment, sans juger. Maintenant elle le regardait, navrée. Puis elle sourit et lança d'un ton léger pour détendre l'atmosphère :

— Ah ouais ! Quand même ! Bousiller ta vie... Version apocalypse ou mélodrame.

Voyant que Tom ne riait pas, elle ajouta, entre tristesse et compassion :

— Désolée... Il faut beaucoup de courage pour admettre ses erreurs. Il en faut tout autant pour les accepter, continuer d'avancer et se reconstruire.

— La seule erreur que j'ai commise a été de tomber amoureux.

— Comment peux-tu dire ça ? Aimer et être aimé en retour, c'est le plus beau des sentiments.

— Une perte de temps et d'énergie, voilà ce que c'est ! Je me suis laissé distraire, et j'en ai oublié mes études.

— Tu vois, on en revient toujours là : tu es trop sérieux ! Tu fais partie de ces gens qui réfléchissent trop, et trop longtemps, et qui laissent passer l'instant. Tu as certainement connu de bons moments avec ta copine... Ces moments sont précieux et, parfois, certaines de ces rencontres nous transforment. Moi, je crois que notre vie est jalonnée de personnes qu'on croise, à un instant précis, parce qu'elles peuvent nous apporter leur aide, à cet instant. Comme si elles venaient combler un manque... Peu importe ce dont on a besoin. Il arrive même qu'on ne les recroise jamais, simplement parce qu'elles ont accomplis leur mission : ce pour quoi (elles étaient faites) on les attendait.

L'Amour, Par-delà le Temps (en cours de réécriture)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant