Chapitre 19

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Changer ?

Thomas entra dans sa chambre puis claqua la porte derrière lui.

C'était soûlant cette obsession de vouloir à tout prix connaître les sentiments d'autrui ? Et puis, qu'est-ce qu'elle pouvait y comprendre, elle n'était pas dans sa tête. Ça aurait été trop long à expliquer, d'ailleurs lui-même avait du mal à réaliser. Elle allait de toute évidence le prendre pour un fou, déjà que lui préférait remiser cela dans un coin de sa tête. Cette expérience l'avait perturbé. Il voulait reprendre le cours normal de sa vie, retrouver sa routine. Reprendre le contrôle. Avec pour seul objectif : sa réussite, diplôme à la clé. Pour oublier son échec,et peut-être bosser son concours d'entrée aux Barreaux. Pour cela, il lui fallait une discipline stricte.

Las, courbaturé par le sport, la fatigue et le stress qu'il s'infligeait, il s'approcha du bureau où tout était resté en suspens : la montre attendait, bien sagement auprès du carnet ouvert, le stylobille échoué dans le pli interne que formaient deux pages d'écriture, comme un bateau perdu dans le creux d'une vague.

La colère monta en lui, son cerveau saturait, rien qu'à l'évocation des derniers évènements. Agathe l'avait foutu en rogne, alors à quoi s'attendait-elle ?! À ce qu'il lui sourit bien gentiment, et qu'il obtempère et accède à tous ses caprices. Il l'avait prévenu ! Il n'était pas doué pour les relations humaines. Définitivement !

C'en était trop !

Il empoigna la montre de gousset et, dans un geste rageur, leva le bras armé, mais se ravisa... Il aurait voulu pleurer. Mais les hommes ne pleurent pas...

Alors, après une profonde inspiration, il se pencha sur la montre calée dans sa paume et son regard se perdit dans la contemplation du cadran de verre. La trotteuse, liée aux autres aiguilles en son centre,courait d'espace en espace, inlassable, tandis que son aînée avançait d'un cran à chacun de ses tours. La chaînette effectua un mouvement de balancier hypnotique, aussitôt interrompu par le jeune homme qui la rabattit et la ficha entre son annulaire et son auriculaire. Il observa la montre. Attentivement. Sous ses yeux, ce n'était qu'une banale montre de gousset. Voilà tout ! Oui ! Pas autre chose. Il devait la ranger ! Mais avant toute chose...

D'une main ferme, il saisit le stylobille et, la tête basculée en arrière, à la recherche d'inspiration et de courage, il réfléchit. Puis il revint et murmura :

— C'est mieux ainsi !

Il nota :

« Après réflexion, et à la lumière de cette dernière expérience, je préfère en rester là pour l'instant. C'est plus sage. J'estime que cet objet pourrait être dangereux, après la réaction que j'ai eue et les idées folles qui me sont venues. Ça me fait peur, c'est plutôt dérangeant. Sans maîtrise, ça pourrait vite déraper. Et je sens toute la perversité de cette découverte. Elle pourrait m'embarquer... »

Il s'arrêta, ne sachant qu'ajouter, et referma le carnet, puisposa la montre dessus,avec révérence teintée de méfiance, et chercha des yeux une boîte pour ranger le tout.

Après un bref inventaire mental...

La housse de ses baskets ?!

Ça ferait l'affaire.

La boîte en carton était vide des chaussures puisqu'il s'en servait régulièrement et qu'il les avait laissé dans le placard de l'entrée de la maison. Il se dirigea vers son armoire, main tendue pour en la porte, et suspendit son geste lorsqu'il aperçut la boîte... Il n'avait pas été cool avec Agathe. Argh !Mais elle était agaçante à vouloir s'immiscer dans sa vie. Qu'importe ! Il ouvrit l'armoire, s'agenouilla pour attraper la boîte, l'ouvrit pour en sortir la housse en fibres blanches puis se redressa pour se diriger vers le bureau. Il saisit la montre et le carnet qu'il fourra dans la housse, puis rangea le tout dans le tiroir de son armoire. Bien au fond, sous les sous-vêtements.

L'Amour, Par-delà le Temps (en cours de réécriture)Where stories live. Discover now