Chapitre 26

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Ce qui ne tue pas...

D'un geste nerveux, Thomas goba la dernière bouchée de son sandwich et écrasa l'aluminium qui emballait son pain d'une main rageuse. Il sauta sur ses pieds, jeta la boulette argentée dans la poubelle au design moderne, près du banc, et se lança à la poursuite de la silhouette longiligne. À cette allure, c'était la meilleure façon de se faire repérer par la jeune femme et il n'avait franchement pas envie de justifier sa filature ou d'aller à la confrontation, car il savait pertinemment que leur discussion se terminerait en dispute et en reproches. Tout ce qu'il voulait, c'était savoir qui son ex fréquentait.

Thomas s'étira, dressé sur la pointe des pieds, le regard à l'affût, cherchant Manon par-dessus l'étendu de gazon et parmi la foule qui traversait les allées en direction des édifices à l'architecture récente, faits de verre et d'acier. Lorsqu'il aperçut l'arrière de son crâne aux reflets dorés par le soleil, il se figea : Manon entrait dans le bâtiment B. Sans attendre, Tom se précipita vers le bloc, se faufila entre les étudiants, imperturbable, le regard rivé sur la nuque de Manon et sa queue-de-cheval qui se balançait de droite à gauche alors qu'elle avançait d'un pas décidé. Il avait peur qu'elle lui échappe. Son souffle s'accéléra et il sentit la tension raidir ses doigts autour de la sangle de son sac en bandoulière.

L'accès à l'ancienne bâtisse habillée d'une armature métallique recouverte d'épais murs de verre, pareille à une coque fragile autour du bâtiment en briques, était situé au milieu de la structure moderne et formait un sas. Une première porte, puis une seconde. De chaque côté des gigantesques murs de verre encadrant cette entrée, des cubes en tout point identiques, parfaitement symétriques par rapport à la construction. Ces cubes, aménagés en espace de détente, étaient très conviviaux avec leurs bancs et leurs grands pots aux énormes plantes vertes et arbustes : un artifice pour faire entrer la lumière et la nature à l'intérieur du vieux bâtiment en briques. Le seul défaut de cette cloche de verre, et non des moindres, était le bruit : les conversations résonnaient, rebondissaient et se mélangeaient en un formidable brouhaha. Tom serait obligé de tendre l'oreille pour suivre la conversation de Manon.

Arrivé dans le grand hall, la masse compacte que formaient les étudiants, et qui l'avait jusque-là dissimulé, se délita. La foule s'écarta et des petits groupes se dirigeaient vers leur salle de cours respective ; au rez-de-chaussée ou à l'étage, utilisant pour se faire l'un des trois escaliers à leur disposition. L'escalier central, privilégié par la plupart des étudiants car plus large que les deux autres, distribuait les classes du premier étage, et rejoignait les escaliers latéraux qui serpentaient contre les murs de part et d'autre de l'escalier central, via une plateforme. Thomas se retrouva démuni au milieu de cette vague humaine qu'il voyait se réduire progressivement, au risque de se faire griller par Manon s'il restait planter dans le hall. Un rapide coup d'œil à gauche puis à droite, et il fit un pas dans cette direction pour suivre un groupe de filles, gardant toujours les yeux rivés sur Manon. Elle s'était arrêtée et semblait chercher quelqu'un au-dessus de la foule : sur la pointe des pieds, elle tourna la tête, son regard s'attarda d'abord à gauche, puis son visage pivota vers lui. Le cœur de Thomas tambourina dans sa poitrine alors que la jeune femme scrutait dans sa direction. Elle allait le voir, c'était certain. Il rentra la tête dans ses épaules, baissa le menton dans le col de sa veste, et fit comme s'il fouillait dans son sac. Tom avançait à petites pas, suivant le rythme des jeunes filles qui le dissimulaient au regard de Manon. Mais bientôt, les étudiantes s'installèrent dans le carré détente, et Tom se sentit nu, vulnérable sans leur protection. Manon tourna à nouveau la tête... La gorge de Thomas se serra. Le souffle court, il se jeta derrière l'un des grands pots à la végétation luxuriante, dans l'espoir de se cacher. Et d'observer sans être vu. De sa cachette, il put contempler le profil de Manon à loisir : coiffure impeccable et bouche rose et luisante de gloss. Pour qui s'était-elle faite belle ?

L'Amour, Par-delà le Temps (en cours de réécriture)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant