Chapitre 38

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La surprise de Noël

24/12/2018

20h05

Toute la matinée avait été consacrée à ses révisions – même une vieille de fête, pas de répit – et l'après-midi, Thomas s'était efforcé de trouver une tenue adéquate, pas trop stricte mais élégante. Il avait donc opté pour une chemise gris clair et un pantalon de costume anthracite, sans cravate ni veste. Pour les chaussures, ses Converse seraient un bon compromis et parferaient sa tenue.

Résolu à garder sa barbe, à laquelle il s'était habitué et, en homme nouveau, considérant que cette dernière faisait dorénavant partie de sa personnalité, il s'était rendu chez le coiffeur et chez le barbier.

Fin prêt – douché, parfumé – il alla chez sa mère. Se gara devant la maison de son enfance, charmante bâtisse en briques rouges mitoyenne des deux côtés, et sonna. Attendant qu'on lui ouvre la porte, il plongea sa main libre dans la poche de sa doudoune et en remonta le col. Un cliquetis significatif se fit entendre et sa mère apparut dans l'embrasure.

— Mon chéri ! l'accueillit-elle joyeusement avec une bise sur la peau lisse de sa pommette, évitant sciemment sa barbe.

Thomas devina sa contrariété au changement subite dans sa physionomie : le pli entre ses sourcils s'accentua et, d'un mouvement nerveux, elle arrangea ses cheveux tirés en arrière en un savant chignon lui donnant l'air d'une enseignante sévère – qu'elle n'avait jamais été, du reste – et se renfrogna tandis que son regard se posait sur la barbe fournie, qu'il avait pourtant faite taillée et peignée avec soin. Cela ne dura qu'une nanoseconde mais fut suffisant pour qu'il s'en aperçoive. Alors, avec un sourire entendu, il demanda :

— Ça ne te plait pas ?

D'un geste tendre, phalanges repliées, elle caressa la joue de son fils et nuança :

— C'est différent. Tu as l'air... différent, répéta-t-elle en s'écartant pour le laisser passer et n'ajouta aucun autre argument.

Elle n'aimait pas, c'était évident, Tom ne s'en offusqua pas car il savait qu'il s'agissait là uniquement de l'avis d'une mère prenant subitement conscience que son fils n'était plus un petit garçon, mais bel et bien un homme.

Une douce chaleur l'enveloppa et il retira sa doudoune. Il faisait effectivement bon dans la petite maison et une joyeuse rumeur feutrée lui parvenait du salon, de l'autre côté de la double-porte close. Sa mère le débarrassa de son manteau qu'elle rangea dans la penderie à l'entrée et lui sourit avec un mouvement de la main l'invitant à pénétrer dans le salon où les invités discutaient.

Pris au dépourvu car il n'avait pas pensé qu'il y aurait d'autres personnes, il se tourna vers sa mère et lui tendit le paquet qu'il lui destinait et avait gardé jusque-là. Elle s'en saisit avec un sourire ému et murmura :

— Merci mon grand. Tu n'étais pas obligé.

— Ne dis pas de bêtise et ouvre-le avant de me remercier...

Elle fit glisser le ruban d'un geste cérémonieux et, tandis qu'elle déchirait le papier satiné recouvrant la petite boîte rectangulaire, Thomas promena son regard dans la pièce. Dans ses souvenirs, cette entrée ressemblait à un vulgaire sas blanc et impersonnel alors que celle-ci, métamorphosée par un simple coup de peinture bleu canard, en total harmonie avec le parquet en chêne, et agrémentée d'une console en bois clair typique du style industriel, pouvait très bien figurer dans les catalogues consacrés au Home-staging. Bluffé, Tom se dit que, finalement, un bon d'achat dans une boutique de décoration aurait pu être un choix judicieux. Il se mordait l'intérieur des joues pour s'empêcher de rire et garder son sérieux lorsque son regard se posa sur un courrier posé en évidence sur ladite-console. D'un pas discret, il s'approcha et sa mâchoire faillit se décrocher... C'était bien ce qu'il avait lu au premier coup d'œil : sa mère, subtile félonne, avait disposé ce courrier d'assurance, sur lequel apparaissait l'adresse de sa chambre de bonne, celle-là même qu'il louait désormais, à son intention. Elle ne lui en toucherait rien, pas un mot... mais elle savait. Ou elle avait deviné que Tom s'était séparé de Manon, qu'il y avait quelque chose de changer dans sa vie, hormis son changement d'adresse, et cette barbe qu'elle n'aimait pas.

L'Amour, Par-delà le Temps (en cours de réécriture)Where stories live. Discover now