Chapitre 6

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Colocataire


— Salut !

Penché sur la porte, Tom sursauta et, sous l'effet de la surprise, une boîte de conserve fila d'entre l'étau que formait son buste et son avant-bras pour heurter lourdement le parquet, où elle imprima une petite marque en croissant de lune, puis roula. Roula. Thomas s'accroupit, tendit le bras pour ramasser la conserve maintenant cabossée... et, alors que sa main se refermait sur la boîte, ses doigts en frôlèrent d'autres... qui venaient d'apparaître dans son champ de vision. Une décharge électrique parcourut sa peau. Dérouté, il retira sa main d'un geste vif et leva les yeux vers la silhouette à laquelle appartenait ces doigts : un regard rieur aux nuances d'automne sous une épaisse frange brune qui dévorait un front à la carnation claire ; le visage parfait d'une fille, sourire aux lèvres. Se moquait-elle de lui ?

Un peu confus, comme hypnotisé, il ne sut quoi dire et se releva prestement. Comment réagir ? Ça faisait un bail qu'il n'avait pas parlé à une fille autre que Manon. D'ailleurs, parler aux gens était un supplicepour lui. Introversion ? Ou manque d'assurance qu'il compensait par unetotale maîtrise de son quotidien ?! Était-ilà ce point paralysé par la timidité? Incapable d'oser simplement être lui-même !  Les yeux toujours planté dans ceux de la jeune femme, il resta bouche bée. En arrêt. Ce fut elle qui brisa le silence :

— Tu es le nouveau ?

— Oui, pourquoi ? lança-t-il sur la défensive.

La jeune femme se redressa, les yeux ronds, surprise par l'attitude de Tom, et le toisa, les poings sur les hanches. Boudeuse. Cet aplomb laissa Thomas perplexe, déstabilisé. Il fronça les sourcils, et sa fierté lui fit bomber le torse. La jeune femme se mit à rire. Oui ! Elle se moquait de lui ! Vexé, Tom rétorqua :

— Quoi encore ?

— Non, rien... Les relations humaines ne sont pas ton fort, j'ai l'impression.

Pour qui se prend-elle, celle-là ? Freud ?! Merde ! Mais devant son regard espiègle, il fut désarçonné et se ressaisit. Bon sang ! En 5 secondes, elle l'avait percé à jour. Penaud, il se gratta la tête avec sa main libre, ses courses calées dans le creux que formait son avant-bras gauche replié.

— Pardon... Ces dernières 48 heures ont été éprouvantes. Et la journée n'est pas finie.

— Je comprends, dit-elle sans se départir de son sourire moqueur. Une nuit de sommeil réparatrice... ça ne peut faire que du bien !

Thomas sourit, un peu gêné, et elle rit ; un rire communicatif. Lui rappelant Manon. Il sentit une chape de plomb s'abattre sur lui et il se rembrunit. La jeune fille dut percevoir son changement car elle ajouta :

— Bon, je vais te laisser... Tu sembles fatigué. À plus...

Elle le salua de la main et il la regarda se diriger vers sa chambre. Puis, les yeux de Tom se tournèrent vers la port de sa propre chambre. Là, sur la serrure, suspendu au bout de la clé, le porte-clés s'agitait en un mouvement de pendule hypnotique. Il poussa la porte avec la pointe de son pied et pénétra dans son antre. Avec un soupir, il s'avança vers le plan de travail, y posa ses courses. Voilà ! Un premier voyage. La suite de ses achats se trouvait dans le coffre de sa voiture. Il rebroussa chemin vers le couloir lorsqu'il se figea sur le palier. Un regard à la porte face à lui : fermée ! Le coin de ses lèvres se crispa, entre surprise et étonnement, presque soulagé de n'être plus seul dans cette maison à la propriétaire insolite. Il secoua la tête, comme agacé, blasé. En colère contre lui-même. C'qu'il était nul ! Pourquoi ne pas lui avoir demandé son prénom ? Bon ! C'était pas comme si il ne savait pas où la trouver : sur le palier, la chambre d'en face.

L'Amour, Par-delà le Temps (en cours de réécriture)Where stories live. Discover now