Chapitre 15

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Électricité et Magie


Putain, qu'est-ce qu'il était con ! Se laisser mener ainsi par toutes ces femmes... à croire qu'il n'avait pas retenu la leçon ! Non, évidemment. Vu comment il se comportait ! En parfait crétin ! N'en avait-il pas assez de se faire manipuler, humilier et jeter comme un moins que rien, un incapable ?!

Les autres n'étaient que duperie, jalousie, perversité... des parasites.

Agathe était néfaste.

Lui, était colère.

Il était honte.

Il était peur.

Son estomac se crispa.

Désarroi viscéral. Le rongeant de l'intérieur. Impuissant.

TOUT gâcher, pour une fille ! Ruiner son équilibre. Se perdre. Perdre ce qu'il possédait. Voir les murs qu'il avait dressés pour tenir les autres à l'écart s'écrouler, et contempler sa défaite. Ces murs qu'il avait érigés pour se préserver du feu des sentiments et de leur violence, pour ne pas avoir à subir d'autres assauts, d'autres trahisons, comme des coups de poignard en plein cœur, et se retrouver à nouveau seul. Abandonné ! Brisé.

Ça en valait-il la peine ? Non ! Car le monde nuisait à ses ambitions. Il devait remettre de l'ordre dans tout ça !

Sa forteresse s'était effritée après sa rupture d'avec Manon, y laissant une brèche dans laquelle Manon et les autres s'insinuaient.

Sa faiblesse.

Genou à terre, il avait l'impression de s'égarer. De lentement dériver. De perdre le contrôle. Vital. Mais il avait trop souffert par le passé pour ne pas s'en rendre compte. Il devait réagir. Car il n'avait pas consacré la moitié de sa vie à se reconstruire et à ériger une forteresse pour la voir ébranlée par une gamine.

Sa douce voix, ses manières désinvoltes ! Sa fraîcheur... Son corps gracile...

Le regard dans le vague, il serra les poings. Le souffle court, il sentit au fond de ses tripes comme une trahison. Des larmes de rage gonflaient ses paupières alors qu'il claquait la porte de sa chambre. Le parquet craqua sous son poids. Ses nerfs déjà à vifs, torturés par la fatigue, étaient maintenant au bord de la rupture. Le sang lui battait les tempes. Ulcéré.

Il se laissa tomber sur le plancher.

Marre !

Avec ses ongles, il agrippa la fine tranche de bois verni et la souleva. La lame se déboîta et Tom la désolidarisa des autres. Pour la lancer loin dans la pièce. Le morceau de bois vola dans les airs, cogna l'armoire et retomba. Thomas suivit sa chute, vainqueur, puis contempla le trou béant laissé par la lame de parquet manquante. Qu'est-ce que... ? Les sourcils froncés, perplexe, il se rapprocha un peu du trou, les yeux rivés sur un objet qui n'aurait pas dû s'y trouver.

Une montre ?

Intrigué, il tendit une main pour saisir le cercle d'argent. À peine ses doigts eurent-t-ils frôler la surface ciselée qu'une fine étincelle crépita et jaillit du bijou pour piquer sa peau.

C'en était trop !

Dans un cri d'exaspération, il attrapa la montre et la balança :

— Argh !

Agenouillé, la respiration haletante et les muscles de sa nuque tendus, Thomas ne parvenait pas à se calmer. Il avait pourtant besoin de se reposer. Il ferma les paupières et inspira. Plusieurs fois. De longues et profondes inspirations. Mais la chaleur moite laissée par l'orage l'étouffait. La fenêtre ! Avec un effort, il se releva et alla entrouvrir l'un des battants. Un courant d'air frais pénétra dans la chambre et charria l'odeur caractéristique du bitume échauffé durant la journée et lessivé par la pluie diluvienne. La tempête s'éloignait et la folle musique des gouttes de pluie sur les tuiles avait cessé pour laisser place aux doux murmures cadencés des dernières gouttes.

D'un pas traînant, Tom se dirigea vers son lit et s'y écroula.

Les évènements de cette épuisante journée bourdonnaient, comme des bulles éclatant dans son crâne, et l'empêchaient de se détendre. L'atmosphère gardait-elle une charge électrique trop intense de l'orage passé pour lui permettre de trouver le sommeil ? Il s'agitait dans ses draps. À trop cogiter, il savait qu'il ne s'endormirait pas. Les pensées défilaient, sans qu'il ne s'attarde sur aucune. Et toutes revenaient vers Manon. Les images de ces derniers jours tournaient en boucles dans sa tête : le campus, le soleil, le rire de Manon. La touffeur, les réminiscences de son adolescence, ses années 'collège', sa rencontre avec Manon... Leur première fois... Le Campus, ses heures passées à étudier, sa carrière, sa dispute avec Manon. Cette fille ne ferait que le hantait... Puis un autre visage chassa le premier : celui d'Agathe ; et lorsque Tom perçut ce regard rieur apparaitre sur la toile de son subconscient, le cœur du jeune homme bondit. Douloureux.

Une bien étrange fille ?! Fantasque et insouciante. Simple ? Il soupira, se retournant dans son lit ; une brise s'insinua dans la pièce et le caressa. Simple n'était pas le bon adjectif, car trop péjorative, alors que la jeune femme était loin d'être « simple ». Elle avait un petit-quelque-chose que Tom ne s'expliquait pas. Un naturel, une spontanée rafraîchissante comme cette brise venue balayer l'air pesant que l'orage avait laissé.

Cette fille lui ferait-elle oublier son ex ? Cette pensée le déstabilisa...

Il était indéniable que Thomas s'était attaché à elle, malgré toute la complexité qui la caractérisait... Paradoxe étonnant de complicité et de pudeur. Pff ! Tom changea de position dans le lit. Peut-être était-elle simplement aimable et d'une nature généreuse ? Argh ! Quel médiocre psychanalyste ! Cerner les gens n'était pas son fort et pourtant, avec Agathe, tout était... simple ! Fluide. En partie grâce à elle. Car, jusque-là, il avait été plus que mauvais dans leurs échanges. Agathe avait fait tout le travail.

Le travail ?! Putain, mais il était con ou quoi ?! Cette fille lui bouffait les neurones ?! Il n'allait tout de même pas se laisser charmer, au risque d'en perdre toute raison et de ruiner sa vie, pour quelques futilités auxquelles il n'avait nul envie de succomber. Agathe ! Sirène ensorceleuse qui l'attirait vers des profondeurs abyssales... Alors, non ! Vraiment. Il ne se ferait pas avoir une seconde fois. Il était à un carrefour de sa vie, à lui de choisir le bon chemin. Même si celui-ci était ardu, semé d'obstacles et de tentations... Et de solitude. Il irait jusqu'au bout, l'œil fixé sur son objectif.

Ses paupières papillonnèrent, lourdes et brûlantes de sommeil. Il se tourna sur le côté gauche, la tête calée dans le creux de son oreiller que le souffle frais de la nuit avait refroidi, et il somnola. Un nouveau courant d'air frais caressa son visage et joua dans ses mèches brunes, le confortant dans ses certitudes, et chassant la pesanteur de ces dernières heures.

Pleurs et sanglots étouffés. Au rez-de-chaussée, la nuit n'était pas aussi douce pour certains.

L'Amour, Par-delà le Temps (en cours de réécriture)Where stories live. Discover now