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SÉRÉNA

La planète miraculeuse

Le policier se demanda combien étaient payés les publicitaires pour trouver ce genre de titre. Sans doute trop, conclut-il.

Une photo du système solaire de la planète sur fond étoilé agrémentait la couverture. C'était un livret esthétique et convivial destiné aux touristes, qui racontait l'histoire de Séréna de sa découverte, cent vingt ans plus tôt, jusqu'à aujourd'hui.

Il reprit sa lecture.

LA DÉCOUVERTE

C'est l'astronome allemand Gerhard Stein qui remarquera le premier ce monde en 2056, alors qu'il travaille à l'ALMA, le plus grand télescope du monde, situé au Chili. Cette exoplanète (1) intéressera très vite toute la communauté scientifique, tant elle semble pouvoir devenir une nouvelle Terre habitable par l'homme.

Initialement appelée 55-CNC-B, elle est un peu plus massive que notre planète mère, la gravité y est de 1,2 g et elle tourne autour de son étoile sur une orbite plus proche que la Terre du Soleil. Mais, comme son astre est plus petit, la chaleur qu'elle reçoit est quasi-identique. Elle dispose surtout d'un écosystème luxuriant et d'une atmosphère riche en oxygène.

Dès 2058, pas moins de dix programmes d'études se pencheront sur son cas, et le Dr Stein, son découvreur, la rebaptisera du nom de sa fille : Séréna.

La planète sera étudiée sous tous les angles et suscitera bien des fantasmes.

LES PREMIERS VOYAGES

Située à quarante-deux années-lumière de la Terre, Séréna restera longtemps un rêve inaccessible pour les vaisseaux conventionnels, contrairement à Mars ou Titan.

C'est la découverte, en 2069, de la propulsion par torsion de l'espace-temps qui ouvrira à l'humanité les portes des mondes lointains, dont Séréna.

En 2085, la première mission habitée posera le pied sur cette nouvelle planète et y fera immédiatement des découvertes formidables...

Denoël bailla à s'en décrocher la mâchoire. Il était épuisé par le voyage et fatigué d'avance par le travail qui l'attendait. Il rangea la plaquette dans la poche intérieure de sa veste, en se disant qu'il la finirait plus tard s'il en avait l'occasion. Il reprit sa contemplation de l'effervescence aérienne des vaisseaux.

Dans la vitre, en surimpression du paysage, il aperçut son reflet et trouva qu'il avait l'air fatigué. Malgré son physique avantageux, son corps musclé, sa mâchoire carrée et son regard marron déterminé, une impression d'usure émanait de lui. Il n'avait que quarante ans, mais les cheveux blancs envahissaient déjà sa tête, et les rides commençaient à creuser leurs sillons sur son visage, le faisant paraître plus vieux qu'il n'était.

Trop de travail, trop de voyages, pensa-t-il.

Trop de semaines passées loin de sa famille...

Il glissa la main dans sa poche et attrapa son smartphone. Il pianota sur l'écran tactile jusqu'à ce que s'affiche sa photo favorite. On les voyait, Roxane et lui, à la maternité, couvant Lucas qui venait de naître. La petite boule rose dormait à poings fermés entourée par ses parents. Denoël souriait ; Roxanne aussi, bien que la fatigue se constatait sur son visage. Elle avait une perfusion dans le bras et un tuyau d'oxygène dans le nez, ainsi qu'un monitoring permanent. Un robot d'urgence se devinait à côté du lit. Autant de précautions inutiles, dans la mesure où l'accouchement s'était déroulé sans heurts – mais la qualité des soins dépendait moins de l'état réel du patient que de ses moyens financiers. Or, l'agence offrait une très bonne mutuelle.

SÉRÉNA - WATTY AWARD 2019 WINNEROù les histoires vivent. Découvrez maintenant