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Pour sa première nuit en prison, Lula n'avait presque pas dormi. Elle avait énormément cogité, tournant et retournant les évènements dans son esprit, avant de sombrer finalement dans le sommeil au petit matin.

Son repos avait toutefois été de courte durée car le connard d'agent chargé de lui apporter son petit déjeuner l'avait réveillée en sursaut en hurlant « Debout ! ».

Dépourvue d'appétit, elle n'avait pas touché au plateau-repas. En revanche, elle avait entièrement descendu la cafetière l'accompagnant. Le café noir et brûlant l'avait revigorée et elle pouvait désormais reprendre le cours de ses pensées.

Elle s'assit en tailleur sur l'inconfortable lit métallique – seul meuble en dehors de la cuvette des toilettes et du lavabo – dans la position que les méditant désignaient comme la plus favorable à la réflexion.

La question à mille dollars à laquelle elle devait répondre été la suivante : comment son ordinateur personnel se retrouvait mêlé à un attentat meurtrier ?

En y réfléchissant, elle avait trouvé une connexion évidente. Elle savait qui était responsable. Si elle retrouvait cette personne, elle pourrait prouver son innocence. Le problème, c'est qu'elle était coincée là, dans l'incapacité d'agir.

Pouvait-elle espérer de l'aide de son patron ? Difficile à dire. Elle ignorait comment il réagirait si elle lui disait la vérité, et jusqu'où il serait prêt à aller pour elle.

Pour l'instant, mieux valait attendre et voir où allait l'enquête. Si elle n'avait plus le choix, alors seulement, elle raconterait toute l'histoire à Denoël.

Le bruit mécanique de la porte de l'ascenseur la tira de ses cogitations. Quelqu'un approchait. En regardant sa montre, elle constata qu'il était déjà midi. On devait probablement lui apporter son déjeuner.

Elle leva la tête et aperçut l'adjoint du commissaire.

— Alexis ? Que faites-vous là ? Vous êtes chargé du ravitaillement des détenus à présent ?

— Je me suis porté volontaire. Je voulais savoir comment vous alliez.

— Oh. C'est gentil. Merci.

Il rougit comme un petit garçon et Lula se sentit toute attendrie par ce grand dadais, piètre flic mais vrai gentil.

— Vous êtes visiblement le seul à vous soucier encore de moi. Les autres m'ont abandonnée. Même mon patron.

— Ne dites pas ça. L'inspecteur Denoël doit respecter les règles, voilà tout. Je suis sûr qu'il fera son possible pour vous sortir de là.

— Peut-être. En attendant, il n'y a que vous pour prendre de mes nouvelles. Ça me touche.

Il sourit de contentement en virant pivoine. Puis, il glissa le plateau au sol dans la fente prévue à cet effet.

— Je suis passé à la cantine du poste et je vous ai composé un menu végétarien.

— Quelle prévenance, c'est adorable. Vous n'êtes définitivement pas un policier ordinaire.

— Oui, c'est ce que dit le commissaire.

— Oh lui...

— Je ne lui en veux pas. Vous savez, je ne suis pas idiot, je sais parfaitement que je n'ai pas le niveau pour être commissaire-adjoint. C'est mon père qui a imposé ma présence à Miller ; si je n'étais pas le fils du maire, j'aurais été viré depuis longtemps. J'ai conscience de commettre un paquet de bourdes et je comprends que ça énerve le commissaire.

Le jeune homme baissa les yeux, penaud, et Lula fut envahie par une profonde compassion à son endroit. Le pauvre. Obligé d'affronter chaque jour des épreuves qu'il savait trop grosses pour lui, avec, à la clé, la certitude de l'humiliation.

SÉRÉNA - WATTY AWARD 2019 WINNERWhere stories live. Discover now