SÉRÉNA - WATTY AWARD 2019 WINNER

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Sitôt la mort de son P-DG rendue publique, l'entreprise avait organisé sa communication autour de cet événement funeste et dramatique.

Un communiqué officiel saluait la mémoire d'un « grand homme », « visionnaire », qui avait « changé le monde ». Les réseaux sociaux avaient été inondés de messages à la gloire de celui qui avait rendu accessible la médecine sérène au plus grand nombre en massifiant le transport des bêtes vers la Terre.

Une hagiographie – sans doute préparée à l'avance – avait été envoyée à tous les médias.

Dans le hall du building, siège de l'entreprise, un hologramme de six mètres de haut représentant le fougueux P-DG regardait les gens à ses pieds avec bienveillance. En s'approchant du personnel de l'accueil, Denoël constata qu'il portait un brassard noir en signe de deuil. Encore une idée marketing. La direction était bien décidée à capitaliser un maximum sur cette mort médiatique.

— Je suis l'inspecteur Denoël, d'Astropol, se présenta-t-il. Je suis en charge de l'enquête sur l'assassinat du Dr Kosloff et celui de votre patron.

En disant ça, il avait sorti sa carte. L'hôtesse derrière le guichet lui répondit d'un air contrit :

— C'est un triste jour. Matteo Di Benedetto était un grand homme. Puisse son âme veiller pour toujours sur cette entreprise.

— Très beau. C'est le marketing qui vous demande de réciter ça ? Bref. Je dois voir le chef de la sécurité.

— Je l'appelle immédiatement.

Quelques minutes plus tard le remplaçant de Yoon faisait son apparition. C'était un arabe assez grand, à la musculature impressionnante.

— Inspecteur Denoël, je me présente : Mohammed Al Hamdani. On m'a parlé de vous. En quoi puis-je vous être utile ?

— Je dois voir le bureau de monsieur Di Benedetto. C'est en lien avec sa mort.

— C'est-à-dire que...

— J'ai un mandat pour ça.

Il sortit un document officiel de l'agence qu'il agita devant le vigile en chef.

— Oui, je n'en doute pas. Mais... nous attendions plutôt la police de la ville. Ils nous ont prévenus qu'ils passeraient demain. En revanche, personne ne nous a annoncé votre venue.

— Je sais, je suis désolé, ça s'est décidé au dernier moment. Toutefois, vous comprenez que l'ONU reprenne en main l'enquête ? Je veux dire : votre P-DG était un homme important, son décès dans des circonstances tragiques a des répercussions internationales.

— Oui, oui... Sans doute. Eh bien, suivez-moi, je vais vous faire entrer.

L'homme se dirigea vers l'ascenseur et l'inspecteur lui emboîta le pas en songeant qu'il avait pris un risque énorme en la jouant à ce point au culot. Le mandat qu'il avait exhibé dix secondes auparavant était celui qui lui donnait le droit d'enquêter sur la mort du docteur et aucunement sur celle du P-DG. Si Al Hamdani avait vérifié, il s'en serait aperçu. Mais il n'avait pas osé remettre en doute la parole d'un agent d'Astropol. Erreur. On ne se méfie jamais assez des gens respectables.

Sans se rendre compte de ce qu'il faisait, le chef de la sécurité l'introduisit dans le bureau de feu Matteo Di Benedetto. Denoël demanda qu'on le laisse seul pour qu'il puisse effectuer les fouilles qu'il souhaitait. Dès sa requête exhaussée, il alluma l'ordinateur du P-DG et y brancha sa micro-puce, puis lança le logiciel pirate que Lula affectionnait et qui offrait l'énorme avantage de faire le boulot tout seul.

Un fois la totalité des fichiers crackés, il entama son travail d'exploration méthodique.

Le logiciel de communication hyperspatiale contenait encore l'historique des appels passés. Il envoya la liste aux informaticiens de l'agence, sur Terre, pour identification des correspondants. En attendant, il continua son examen, espérant que les secrets inavouables du P-DG se trouveraient dans les méandres du disque dur. Mais non, il ne trouva rien.

Alors, il se rabattit en arrière dans le fauteuil et regarda le plafond en réfléchissant à ce qu'il pouvait faire désormais. Soudain, la Terre lui envoya le résultat des recherches qu'il avait demandé. La liste des personnes que Di Benedetto avait eues au téléphone ces deux derniers mois.

Il parcourut les noms et s'arrêta en plein milieu, sous l'effet de la surprise.

Là, j'ai un problème, venait-il de comprendre. Un gros problème.