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Le véhicule avait beau être équipé de tout le confort moderne – sièges ergonomiques, insonorisation, air climatisé – et posséder les meilleurs amortisseurs existants, voyager au sol restait quelque chose d'éprouvant.

La piste tracée à travers la forêt n'était qu'une étroite bande de terre, même pas goudronnée, et le tout-terrain allait en brinquebalant douloureusement. Denoël se demanda s'il trouverait un sac pour vomir en cherchant sous la banquette.

Bien que le jour soit complétement levé à présent, la pénombre régnait encore. De chaque côté de la route les arbres massifs s'élevaient jusqu'au ciel, bloquant les rayons du soleil, et la densité de végétation érigeait de véritables murs de part et d'autre. Mieux valait ne pas être claustrophobe.

L'inspecteur sentit l'inquiétude le gagner. Il jeta un œil à Yoon qui conduisait sans paraître le moins du monde troublé, et à Lula qui, toujours recroquevillée, ne semblait pas prêter attention au monde extérieur.

Enfin, après un périple qui aurait aussi bien pu durer mille ans, ils débouchèrent dans une clairière dégagée où se trouvait le gigantesque complexe de tri des sérènes.

Le bâtiment était immense et construit sur le modèle d'un bunker pour résister à toute forme d'agression. Il s'agissait en somme d'un bloc de béton brut et grisâtre, percé de quelques fenêtres.

Sitôt le pied à terre, le chef de la sécurité se dirigea vers l'entrée, suivi de Denoël et Lula, qui arrivait à peu près à marcher toute seule, même si elle s'appuyait encore en partie sur son patron.

Dans le hall, le policier ne put contenir sa surprise.

— Bon sang, regardez-moi ça. On se croirait dans un atrium romain.

La pièce, en effet, était couverte de marbre du sol au plafond, avec des colonnes et un bassin central alimenté par une fontaine surmontée d'une sculpture représentant une divinité antique, vêtue uniquement d'une couronne de fleurs.

— Je parie que c'est Di Benedetto qui a choisi la déco, ricana Lula.

— Des sarcasmes ? Me voilà rassuré : vous êtes sur la voie de la guérison.

Il la lâcha avec précaution et observa si elle arrivait à avancer sans son aide. Au bout d'une dizaine de pas, il lui sembla que ça pouvait aller.

Yoon s'approcha d'eux.

— Je dois m'entretenir avec la responsable du centre et faire le nécessaire pour vous obtenir des laisser-passer. Patientez ici, je fais aussi vite que possible.

Il s'éloigna en ayant pris soin au préalable de leur indiquer du doigt le coin du hall où se trouvait la salle d'attente. Quatre canapés de velours rouge entourant une petite table couverte de journaux et magazines ainsi que de tablettes tactiles les y attendaient.

Ils prirent place et Lula sembla se détendre encore en s'enfonçant dans le sofa moelleux.

Denoël jeta un rapide coup d'œil aux revues mises à disposition mais ne trouva rien à son goût. Les magazines de mode ou de cuisine ne l'intéressaient pas vraiment, quant au Serena Daily News, financé par serena therapeutics, il n'y avait guère d'espoir d'y trouver autre chose qu'un long panégyrique de l'entreprise. D'ailleurs, la une du numéro du jour portait sur le projet formidable – forcément formidable – d'ouvrir un centre de formation serena therapeutics dans les quartiers nord de la ville.

Ayant renoncé à la lecture, il s'enquit de la santé de son assistante.

— Ça va mieux ?

— Ça commence. Encore un quart d'heure et je serai parfaitement remise... je pense.

SÉRÉNA - WATTY AWARD 2019 WINNERWhere stories live. Discover now