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Sebastian González était nerveux. Il essayait de ne pas le montrer mais c'était peine perdue. Il croisait et décroisait les jambes en permanence et serrait les poings si fort que les jointures en devenaient blanches. Par bonheur, au milieu de la foule fréquentant le parc à l'heure du déjeuner, personne ne lui prêtait attention.

Les fois précédentes, déjà, il s'était promis de ne plus arriver trop en avance à ses rendez-vous. Premièrement pour ne pas se faire repérer, et, deuxièmement, pour éviter d'angoisser longuement en attendant la rencontre. Pourtant, aujourd'hui encore, sa crainte d'être en retard et de mal faire l'avait poussé à se présenter deux heures plus tôt. Depuis, il dévisageait chaque passant à la recherche de son contact.

C'était la troisième fois qu'il remplissait une mission pour le réseau mais il n'était pas plus sûr de lui pour autant.

Il avait rejoint l'association Protection for Serenes deux ans auparavant dans le but d'agir, en accord avec ses convictions, contre le génocide dont étaient victimes les extraterrestres, et avec l'arrière-pensée de rallier par ce biais la résistance clandestine du GDS.

On l'avait enrôlé comme webmaster. Il s'occupait du site de l'association et, comme tous les membres, participait aussi à des manifestations et des happenings spectaculaires dans le but d'attirer l'attention des médias. À deux reprises notamment le groupe avait défilé entièrement nu devant les locaux de serena therapeutics. L'effet publicitaire avait joué à plein, toutes les chaînes de télé ayant diffusé les images. Pourtant, même s'il n'était pas désagréable de voir certaines jeunes militantes dans le plus simple appareil, il était sceptique quant à l'efficacité concrète de ce type d'actions.

Ceux qui se présentaient comme des activistes lui donnaient l'impression d'être avant tout des hippies utopistes secondés par des jeunes en pleine crise d'adolescence dont le but premier était de choquer la société par n'importe quel moyen.

À de nombreuses reprises il avait proposé de passer à la vitesse supérieure, d'organiser des actions « coup de poing », quitte à utiliser la violence, mais personne ne l'avait suivi. Le mouvement craignait trop d'être interdit.

Pendant de longs mois il avait cherché à se rapprocher du GDS, mais il ignorait comment le trouver – le propre des réseaux secrets étant d'être invisibles. Il avait cherché sur internet, sans résultat. Il avait également demandé à des amis dignes de confiance de l'association s'ils avaient des pistes, mais personne n'avait pu l'aider.

Puis, un jour, c'est eux qui l'avaient contacté. Alors qu'il rentrait chez lui, un homme s'était approché et présenté comme un membre du groupe. Il venait lui offrir d'intégrer les rangs de la « résistance à la barbarie ». Dans un premier temps, Sebastian n'avait su que répondre, à la fois gêné et méfiant. L'homme avait tâché de le rassurer.

— Je ne suis pas flic si c'est ça qui vous inquiète.

— Comment puis-je en être sûr ?

— Je possède des preuves que vous avez cherché à entrer en contact avec le GDS sur internet et par le biais des membres de Protection for Serenes. Si j'étais de la police, je vous aurais déjà arrêté.

— Comment en savez-vous autant ?

— Nos agents infiltrés dans l'association nous ont signalé votre motivation et votre détermination il y a des mois. Depuis, nous vous surveillons et ce que nous avons appris sur vous nous incite à vous faire confiance.

— Vous me surveillez ?

— Bien sûr. Cela fait partie du processus de recrutement classique. Nous voulons savoir à qui nous avons à faire avant d'ouvrir les portes de notre formation. Et si s'était vous qui étiez un flic ?

SÉRÉNA - WATTY AWARD 2019 WINNERWhere stories live. Discover now