Trop de choses ont été perdues

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Dès l'instant où Lucius avait compris que Narcissa voulait se venger de la mort de Drago, il s'était décidé à l'aider du mieux qu'il pourrait tout en fermant les yeux sur la façon dont elle comptait s'y prendre. Il pleurait lui aussi son fils unique, et il comprenait tout à fait la soif de vengeance de Narcissa. Le même feu brûlait en lui, étouffé par la crainte cependant.

Son séjour à Azkaban l'avait affaibli, et il n'était pas certain que les secrets de Narcissa soient totalement à l'abri dans son esprit. Voldemort était un redoutable legilimens après tout...

Depuis son retour de la terrible prison, il sursautait au moindre bruit et se détestait de se voir aussi faible. Il avait conscience d'avoir été brisé, et il ne pouvait qu'espérer qu'un jour il redeviendrait celui qu'il avait été. Le Lucius fort et puissant dont il était si fier.

En ne sachant pas ce qu'elle préparait, il était difficile de l'aider concrètement. Ça ne l'empêchait pas de veiller sur elle de loin, vérifiant que personne ne se montrait trop soupçonneux envers sa tendre épouse.

Il était amusant de constater que la plupart des Mangemorts - Voldemort y compris - ne se méfiait pas de la blonde Narcissa alors qu'elle était la sœur de Bellatrix. Ce détail semblait avoir été oublié, bien que la ruse des Black coulait sans aucun doute possible dans le sang de Narcissa...

Lucius surveillait donc sa femme, et il eut de mal à ne pas se crisper en la voyant espionner. Elle ne se cachait pas, errait de pièce en pièce, écoutant sans vergogne les conversations. Elle restait plantée là, visible de tous, mais personne ne s'occupait d'elle ni ne prenait soin de baisser la voix. Il lui suffisait de regarder dans le vide au milieu de tous ces Mangemorts complotant, pour devenir comme transparente.

C'était comme si elle était sous un sort d'invisibilité. Un fantôme au sein de son propre Manoir.

L'aristocrate la laissa donc faire, résolu à intervenir si jamais les choses devenaient trop dangereuses. Il se convainquit que tant que Narcissa se bornait à espionner, elle ne risquait pas grand chose.

Lorsqu'elle lança un Oubliettes sur sa sœur pour lui prendre l'objet confié par le maître en personne, Lucius eut l'impression que son cœur s'arrêtait de battre. Il était le seul à l'avoir surprise, fort heureusement. Et la folie de Bellatrix cachait fort heureusement les effets du sortilège. En voyant sa femme quitter le Manoir juste après, il fit en sorte d'occuper le Maître pour qu'il ne s'interroge pas sur l'absence soudaine de Narcissa.

Lucius s'autorisa à souffler en la voyant de retour, égale à elle même bien qu'une lueur de satisfaction brûlât dans son regard gris.

Sa diablesse d'épouse venait de voler un objet précieux au Lord, sous son nez, dans un Manoir plein de Mangemorts. S'il n'avait pas eu aussi peur pour sa vie, il l'aurait probablement admirée pour son incroyable audace... Ou écorchée vive pour les risques qu'elle venait de prendre.

Il passa un après midi suivi d'une soirée interminables, puisqu'il n'eut pas la possibilité de rejoindre Narcissa pour lui parler. Il récolta un Doloris pour son inattention, qu'il endura sans broncher, conscient de s'être montré imprudent. Il s'inclina bas devant son Maître, effaçant tout signe de dégoût de son esprit, et s'obligea à s'excuser servilement, repoussant ses inquiétudes au sujet de Narcissa au fond de son esprit.

Enfin, la journée fut terminée, et ils se retrouvèrent enfin seuls, dans leur chambre. Furieux, les nerfs encore douloureux du Doloris reçu plus tôt, il empoigna son épouse par le bras et la secoua légèrement. Elle resta de marbre, se contentant de le dévisager calmement, comme si la situation était habituelle.

- As-tu perdu la tête ?

Le regard noir, Narcissa le repoussa, sans la moindre trace de peur ou d'inquiétude sur le visage.

- Je t'ai prévenu Lucius ! Je ne reculerai devant rien.

Il secoua la tête, effaré, reculant d'un pas, comme si elle l'avait frappé.

- Tu vas te faire tuer. Nous faire tuer !

Narcissa haussa les épaules d'un air désinvolte, comme si la perspective de mourir ne l'effrayait pas plus que ça.

Lucius continua, sur un ton suppliant.

- Narcissa. Je t'en prie ! Arrête ce petit jeu avant qu'il ne soit trop tard... Nous pourrions tout perdre !

Enragée elle se rapprocha de lui et le bouscula vivement.

- Tout perdre ? Trop de choses ont été perdues dans notre famille. Mon fils. Notre fils. Notre honneur. Il est temps de changer un peu les choses non ?

- L'honneur ne servira à rien si nous ne sommes plus de ce monde !

- Et bien dénonce moi pour préserver ta misérable vie Lucius ! Vas-y ! Tu sais où LE trouver...

Ils se dévisagèrent, Narcissa décidée et Lucius affolé. Finalement, il baissa les épaules et laissa échapper un soupir tremblant.

- Je n'ai plus que toi, Narcissa. Je ne veux pas te perdre... Je suis inquiet parce que tu prends beaucoup trop de risques... Ce que tu as fait aujourd'hui...

Narcissa s'adoucit légèrement aux mots de son mari. Elle savait que c'était l'équivalent d'une grande déclaration pour lui, peu habitué à parler de sentiments.

- Lucius... Je veux qu'il paie. Je veux le voir réduit en poussière, que son nom soit oublié. J'ai commis l'erreur de laisser ce monstre s'approcher de Drago, et il l'a tué !

- On ne sait pas...

- Il est mort pendant un raid de Mangemorts ! Un raid dirigé sur Pré-au-Lard alors qu'il y avait les enfants de Poudlard de présents ! Même si c'était involontaire, ça reste de sa faute.

Lucius soupira, vaincu d'avance. Il reconnaissait bien là le caractère de sa douce moitié. Il savait déjà que même s'il n'était pas d'accord avec ce qu'elle s'apprêtait à faire, il l'aiderait de son mieux pour la protéger, parce qu'il l'aimait bien trop pour la laisser être tuée. Rien n'arrêterait Narcissa, puisqu'elle était décidée.

Ne voulant pas perdre la face, il grogna.

- Je ne veux rien savoir de ce que tu prépares, Narcissa. Laisse moi en dehors de tes histoires.

Sa femme eut un sourire malicieux, et l'espace d'un instant elle redevint celle qu'elle avait été avant le retour de Voldemort et avant la mort de son fils unique. Elle n'était absolument pas dupe que Lucius n'en pensait pas un mot. Elle ne répondit pas, le laissant penser qu'il avait le contrôle, mais en son fort intérieur, elle savait qu'elle n'en ferait qu'à sa tête.

Obsession irrésistibleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant