Une paire d'aiguilles à tricoter

2.1K 255 30
                                    

Maintenant que Voldemort était mort, les élèves de Poudlard attendaient les vacances de Noël avec impatience. Pour la première fois de leur scolarité, ils allaient profiter des fêtes sans que le spectre de la guerre ne pèse sur eux, en toute sécurité.

L'attaque avait eu lieu la veille des vacances scolaires, ce qui laisserait le temps aux élèves de se remettre tranquillement de la frayeur qu'ils avaient eu lorsque l'assaut de Voldemort avait été annoncé.

Ainsi, un vent d'excitation soufflait sur Poudlard et pour la première fois depuis des années le château serait pratiquement désert pour la fin de l'année. Ceux qui restaient à Poudlard pour être en sécurité parce que leurs parents appartenaient aux Aurors qui traquaient le Seigneur des ténèbres ou au contraire parce que leurs parents étaient un peu trop proches du Lord allaient pour la première fois rentrer dans leurs familles, libres de toutes contraintes.

Harry avait refusé l'invitation de Molly Weasley. Juste après l'annonce de sa victoire, il avait reçu le hibou des Weasley le conviant au Terrier pour les vacances. Cependant, les relations avec Ron étaient trop compliquées pour qu'il accepte de passer deux pleines semaines dans sa famille. Sans compter qu'il était en froid avec Ginny depuis qu'il l'avait repoussée sans ménagement. Il n'était pas sûr de pouvoir supporter l'étouffante présence de Molly en plus du reste.

Il n'avait parlé de ses projets à personne, mais il comptait soit rester à Poudlard, soit se rendre seul Square Grimmaud. Dumbledore pourrait toujours tenter de s'y opposer mais avec la mort de Voldemort il estimait qu'il n'y avait plus aucune menace qui pesait sur lui. Il n'était pas tout à fait majeur - il avait encore quelques mois à patienter - mais ce n'était qu'une formalité à ses yeux. Après tout, il avait parfaitement prouvé qu'il était apte à se débrouiller seul sans le moindre souci...

Pour l'heure, il était installé dans la salle commune Gryffondor, seul dans son coin, lisant un livre sans se préoccuper de l'agitation autour de lui. Ses camarades l'ignoraient purement et simplement - probablement une façon de lui faire comprendre qu'ils n'avaient pas aimé être ignorés...

A une époque, Harry en aurait peut être été affecté. Cependant, il s'y était préparé, et surtout il était encore sous le choc d'avoir survécu à la fin de la guerre. Il n'avait pas encore eu le temps d'avoir des regrets.

Hermione passa en coup de vent près de lui, sans lui accorder le moindre regard, les cheveux en bataille, visiblement affolée, et il leva le nez de son livre en haussant un sourcil surpris. Elle tourna en rond encore quelques instants avant de se planter devant Harry.

- Harry ? Tu aurais vu une paire d'aiguilles à tricoter ? Je voulais faire une écharpe dans le Poudlard Express mais... je n'arrive pas à les retrouver ! Je ne comprends pas habituellement elles sont toujours parfaitement rangées !

Le jeune homme se mordit la langue pour ne pas se mettre à rire face à la panique de Hermione pour quelque chose d'aussi dérisoire que ses aiguilles à tricoter. Il parvint à garder son sérieux au prix de grands efforts et se contentant de secouer la tête négativement en espérant qu'il affichait un air désolé.

La lionne soupira et se passa les mains dans sa crinière avant de se laisser tomber dans le fauteuil face à son ami. Elle gloussa légèrement.

- Je crois que je suis un peu stressée, c'est vraiment stupide.

Harry se redressa, fronçant les sourcils.

- Stressée ? Pour quelle raison ?

Hermione hésita et regarda autour d'eux avant de sourire doucement en secouant la tête.

- Tu sais qu'aux yeux du monde magique je suis déjà majeure, puisque je suis née en septembre ?

Le Sauveur hocha la tête en restant silencieux. Son amie poursuivit ses explications.

- Et bien mes parents vont m'offrir mon permis de transplanage pour Noël. Je dois le passer la semaine prochaine au Ministère et j'avoue que je suis terrifiée à l'idée d'échouer. J'ai pourtant lu tout ce qui existait sur le sujet mais... ça reste théorique et...

Harry eut un sourire amusé.

- Et rien ne remplace la pratique.

Crispée Hermione acquiesça, avec un profond soupir. Le jeune homme se pencha vers elle et posa une main rassurante sur son bras.

- Tu es une sorcière brillante, Hermione, je suis certain que tu vas avoir ton permis sans le moindre problème. Il n'y a pas de raisons, tu sais !

La jeune fille sourit et souffla un "merci" à peine audible avant de se lever d'un bond.

- Je devrais terminer de préparer ma malle. On se voit à la rentrée, Harry ?

Avant qu'il n'ait le temps de répondre, elle était déjà repartie. En levant la tête, il croisa le regard de Ron qui avait visiblement assisté à l'échange et qui semblait toujours aussi furieux.

Le rouquin avança dans la salle commune d'une démarche un peu raide et s'installa dans le fauteuil le plus éloigné de son ancien meilleur ami, les sourcils froncés, ne le quittant pas du regard comme s'il était une dangereuse créature imprévisible.

Un peu perdu, Harry grimaça un léger sourire en direction de Ron, mais il n'obtint pas la moindre réaction. Le jeune homme laissa échapper un sourire triste et se replongea dans son livre.

Cependant, il avait perdu toute envie de lire et toute concentration. Les mots se mélangeaient devant ses yeux alors qu'il se souvenait des moments où Ron et lui étaient proches. Quoi que puisse en dire Ron, il l'avait dès le départ considéré comme un frère. Il ne s'était jamais cru supérieur parce qu'il était le Survivant ou parce qu'il venait d'une famille puissante. Il n'avait jamais pensé qu'il était un meilleur sorcier.

D'un geste machinal, Harry lâcha son livre et porta une main à sa cicatrice qu'il frotta d'un air absent. Il lui fallait encore un peu de temps pour assimiler que tout était terminé, et qu'il n'aurait plus jamais de douleurs liées aux émotions de Voldemort.

Il surprit le regard de Ron sur lui, et nota une brève lueur d'inquiétude passer dans les yeux bleus de son ami face au geste si familier qui annonçait souvent des ennuis. Un sentiment de soulagement s'épanouit dans sa poitrine et lui réchauffa le cœur en le constatant. Si Ron s'inquiétait pour lui, même juste un peu, alors tout n'était pas perdu...

Obsession irrésistibleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant