MOTS POUR MAUX

Le train de minuit

   Le talon aiguille de mes escarpins vernis battaient le béton du quai de la gare. Je marchais en direction du train de minuit en direction du début du reste de ma vie.
   Je marchais à toute allure, vêtue d'un trench-coat beige. Chacun de mes pas semblait hâtif et précipité, comme si je fuyais.
   À vrai dire, mettre un pas devant l'autre était très difficile, ce n'était pas simple de tout quitter, ce n'était pas simple de dire adieu.
   Quelqu'un me bouscula en marchant dans le sens inverse sur ce quai. Le claquement de mes talons retentissant toujours.

- Faites attention où vous allez jeune fille, s'impatienta le vieil homme que j'avais bousculé.

- Navrée il faut que j'y aille, m'empressais-je de lui répondre en poursuivant ma marche énergique.

    Je bousculais encore quelqu'un d'autre et le jeune homme me demanda où j'allais à ce rythme déchaîné.

- Je vais rejoindre quelqu'un.

    Il sourit comme dans une comédie musicale.
     J'accélérais le rythme en oubliant la douleur de mes muscles contractés. Je ne regardais pas en arrière, jamais. C'était déjà assez dur de dire au revoir.
     Mais voilà j'y étais. Le train de minuit vers les prémisses d'un nouveau chapitre, non d'un nouveau tome de ma vie.
    Lorsque je passais devant la fenêtre de la cabine que j'avais réservé, je l'aperçu. Il était assis, les jambes croisées, la main tenant son menton et le regard perdu dans le vague.
     En sentant la sensation de chaleur qui envahit tout mon corps, je sus que ce serait plus aisé de partir, plus aisé de dire adieu.
Alors je rejoignis mon wagon tandis que le train avançait déjà, marchant à contresens de la vitesse puis sans vérifier je pénétrais dans la cabine où il m'attendait.
Il me tendu la main sans sourcilier, j'y glissais mes doigts gantés et il me fit asseoir à sa droite, sur la banquette de velour rouge, haletante et voyant défiler littéralement mon passé devant mes yeux et a travers la baie vitrée.