E1 | Défi N-1 ● Dialogue Tranchant ●

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Celui-ci est le texte de VALEM77

Bonne Lecture :)

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- Je suis la peur. Je suis le messager. Je suis le Coronavirus.

- Heu, je ne vais pas dire « enchanté », car je ne suis pas ravi de te voir. Pourquoi nous veux-tu tant de mal ? Tu sèmes la maladie et la mort sur notre monde. Je te déteste.

- Croyais-tu vraiment que tu aurais pu - en toute impunité et jusqu'à la fin des temps - continuer à profiter sans vergogne de cette Terre qui t'a été prêtée et non donnée ? Pensais-tu que tes actes pourraient se révéler sans conséquence ? Quel monde vas-tu transmettre à tes enfants ?

- Que dis-tu ? Je ne comprends pas.

- Tu fais preuve d'indifférence et de mépris envers Mère Nature qui, pourtant, te nourrit et t'abreuve depuis des millénaires.

- Ça se passe comme cela depuis que l'Homme est Homme.

- Là est ton erreur. Ta génitrice n'a pas une patience infinie. Elle t'a déjà donné de nombreux avertissements. Tu n'en as pas tenu compte. Alors, elle a décidé de frapper plus fort et m'a fait naître moi, le Coronavirus, dans les entrailles du pangolin, ce petit animal en voie de disparition que tu continuais à chasser sans vergogne. Prisé pour sa chair et ses écailles aux vertus médicinales, il se retrouvait sur le marché de Wuhan, exposé à tes mains avides. À présent, ce petit mammifère insectivore, édenté et inoffensif est sauvé.

- C'est vrai, je n'oserai plus jamais le manger.

- Mère Nature est efficace. Toujours.

- Mais qui es-tu ?

- Tu as raison, faisons plus intimement connaissance. Je suis un virus à un unique brin d'ARN, enveloppé d'une couche lipidique qui porte des glycoprotéines n'ayant qu'une seule adresse : tes cellules. J'y pénètre et m'y réplique pour les faire ensuite exploser en mille morceaux. Mes fils sont ainsi libérés et partent envahir d'autres cellules, jusqu'à causer ta perte.

- Mais pourquoi la Chine a-t-elle été ta première cible ? Que t'ont fait ces pauvres Chinois ?

- Ils incarnent la mondialisation et la production à grande échelle. Je les ai frappés de plein fouet. Ils ont subi des pertes considérables. Humaines, bien entendu, mais surtout économiques. Il faut taper là où ça fait mal. Ce géant, cette machine bien huilée est maintenant à l'arrêt, enfin stoppée dans sa course folle.

- Pourquoi t'être attaqué à l'Europe ? J'avais compris, je t'assure.

- Permets-moi d'en douter. Il fallait te toucher au plus près. C'est pourquoi ma seconde attaque fut portée en Italie, pour ensuite se répandre dans le monde entier, jusqu'à la pelouse de la Maison Blanche. Je ne pouvais pas m'en tenir à la Chine. C'est toi qui as délocalisé tes entreprises, cautionnant par là même l'esclavagisme de ton temps.

- Quel esclavagisme ?

- Penses-tu qu'il soit correct de travailler quinze heures par jour pour un bol de riz ? Et quand ces gens arrivent enfin à obtenir une maigre augmentation de salaire, ils voient tes commandes s'envoler vers le Bangladesh, l'Indonésie ou le Vietnam.

- C'est vrai, je m'en rends compte maintenant. Mais pourquoi moi ? Je ne suis pas pire que les autres.

- Oh, ne crois pas que je te vise personnellement. Mais je m'attaque aux individus, c'est ma façon d'agir. Je me faufile de personne en personne, comme la brise qui devient vent, puis tempête. Car vous êtes tous coupables, vous êtes tous responsables. Vous devez tous payer votre tribut à votre Mère.

- Pourquoi avoir tué tant de gens ?

- Il fallait que tu me craignes. Aujourd'hui, tu as peur des humains que tu rencontres, de ton voisin, de ta famille. Même de toi. Tu restes confiné à l'intérieur de ta maison. Tes écoles sont fermées, tes avions ont cessé de voler. Maintenant, tu m'écoutes enfin.

- Oui, tu as toute mon attention.

- Ton monde étouffait. Ton monde s'asphyxiait. Ton monde était condamné, mais tu ne voulais pas le voir. Le nez plongé dans tes écrans, tu en avais oublié de contempler la nature.

- Jusqu'où iras-tu ?

- Jusqu'au bout. Ton économie s'effondre. Tes malades s'entassent dans les hôpitaux. Tes morgues se remplissent. Je te réduirai en cendres. Sauf si...

- ... sauf si tu réfléchis.

- Explique-moi, je t'en supplie.

- L'air de tes cités se purifie, tu entrevois le ciel et redécouvres les étoiles. L'eau de tes fleuves se lave de tes souillures. La Sérénissime, débarrassée des paquebots de luxe, voit réapparaître ses poissons. Autour de tes usines fermées, la flore et la faune peuvent enfin respirer. Le petit producteur bio à côté de chez toi fournit d'excellents produits qui n'ont pas besoin de franchir des milliers de kilomètres pour parvenir jusqu'à ton assiette.

- Mais n'est-il pas trop tard ?

- Il n'est jamais trop tard pour changer, pour évoluer. Observe, constate, analyse ! Mère Nature peut encore se laisser convaincre, même si elle a déjà créé d'autres frères pour prendre ma relève, au cas où mes arguments manqueraient encore de conviction à tes yeux. Car elle gagne toujours, tu peux me croire. C'est à toi de lui montrer ta bonne volonté.

- Mais que dois-je faire ? Aide-moi, je t'en conjure.

- Commence par admirer les merveilles qui t'entourent : l'arbre centenaire qui étend ses racines profondément dans la terre, la pâquerette qui lève timidement la tête hors de l'herbe de printemps, l'oiseau qui transporte dans son bec des branchages pour bâtir le nid qui accueillera sa progéniture.

- J'ai éteint mon smartphone et ouvert mes fenêtres.

- Très bien. La contemplation, c'est un bon début.

- Et après, que dois-je faire ?

- Arrête de piller les ressources de la Terre. Intègre-toi à la nature sans tenter de la dominer. Car c'est peine perdue. Elle triomphera toujours.

- Je commence à comprendre.

- Et je ne t'ai pas encore dit le meilleur.

- Tu me fais peur, mais je t'écoute.

- Mère Nature a fait tout ceci pour toi. Tu seras le premier à bénéficier du changement qui sauvera ta vie, ainsi que le monde qui t'entoure. N'est-ce pas là l'argument ultime qui arrivera à te convaincre ?

- Je le pense, en effet. Ma vie durant, j'ai couru après une chimère. L'argent, le pouvoir et tous les dégâts qu'ils impliquent, je les ai vénérés au lieu d'adorer Mère Nature. J'ai consommé à outrance, bien au-delà de mes propres besoins. Je vais changer, je te le promets.

- Je ne peux que l'espérer, parce que la Terre peut se passer de toi. Tu vois, je suis peut-être petit, mais je t'ai fait grandir. Maintenant, agis !

Recueil de Textes {Livre Annexe du Recueil de Défis}Where stories live. Discover now