E1 | Défi N-5 ● Coup de Coeur ●

52 12 5
                                    

  Olà ! 

  Est présenté ci-dessous le fabuleux poème de L-ivre ; notre Coup de Coeur ! 



« La ronde des lutins »  




Dans la clairière sous la Lune
Auréolée de sa blondeur —
Foulant des pieds la terre brune
D'où s'exhalent d'âcres odeurs,

Agitant leurs grelots mystiques,
Le jeu vif et le pas mutin,
Dansent en ronde les lutins
Sur un air de pavane antique...  

II


Mais la Lune éclaire leurs faces. —
Oh ! ces hideux vieillards ingambes !
Aux ordes et bancales jambes
À la barbe épaisse de crasse

Au cheveu hispide et sali
Aux mains calleuses d'étrangleurs
Et ces yeux glauques qui sont leurs !
— Il y brûle un feu de folie.

L'Astre opalescent se reflète
Sur leur peau cireuse et flétrie
Et leur bouche édentée excrète
D'haleines aux relents aigris.

— C'est là la source du malheur.
La haine de ces puits béants
Va et fait, rongeant âme et cœur,
Les hommes bêtes et méchants.

III


Les voilà qui s'agitent. Nus,
Impudiques, sexe roidi,
Les ombres par l'Astre grandies,
Ils secouent leur tête chenue

Sans nulle crainte d'être épiés,
Poussant des plaintes inhumaines
Et tapant des mains et des pieds
Dans un vacarme de géhenne.

Ils exécutent bergamasques,
Gigues, rigaudons, farandoles.
Et sans cesser leurs bonds fantasques,
Enchaînent une carmagnole.

— Les lutins jouissent de ce bal.
Mais point d'ordre, point de cadence :
Il n'est plus question que de danse.
Dans cette vaste bacchanale,

Ils bondissent, comme enchaînés
Et cependant ils sont bien libres.
Mais la Blondine les rend ivres :
C'est en cela qu'ils sont damnés.

Ils rient de leur horrible rire,
Se gobergeant comme des brutes,
Emplissant la forêt en rut
De l'écho gras de leurs soupirs.

De leurs soupirs une clameur
Monte droit — là-haut — vers les cieux.
Et des cieux provient un factieux
Hymne, sur le mode mineur ;

Hymne du Mal et de l'Oubli,
De l'âpre Vanité des Hommes,
De leur Ignorance anoblie,
De leur Peur — et tous leurs symptômes.

Et toujours plus fort dans la nuit
Leurs yeux éclatent de démence ;
Ils s'ébranlent avec violence
Sous le blanc Soleil de minuit.

IV


Ils s'ébaudissent sans remords. —
Soudain, au comble du sabbat,
L'un d'eux vacille puis s'abat
Face au sol, raide comme un mort.

Devant son souffle évanescent,
Les autres ont des humeurs grossières ;
Et, se vautrant dans la poussière
Rousse, ils s'effondrent, impuissants.

Seul un reste debout, le doigt
Pointé vers le disque d'argent
Qu'il maudit, défiant le plongeant
Regard de l'Astre qui blondoie.

« Je suis l'unique roi » dit-il
Et, la bouche pleine de fiel,
Il crache à la face du ciel, —
Vaste toile de noir coutil...

V


Puis il s'écroule. Alors la Lune,
Miroir aveugle du récusable,
Sourit, innocente coupable
De cette débauche commune ;

Puis indolemment elle incline
Vers eux son front hiératique
Et couve de son œil citrine
La clairière méphitique.

Recueil de Textes {Livre Annexe du Recueil de Défis}حيث تعيش القصص. اكتشف الآن