E1 | Défi N-2 #2 ● Image N°6 ●

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 Celle-ci est la description de la première de couverture de la nouvelle Le Horla de Guy de Maupassant, présentée soigneusement et d'une manière très originale par L-ivre 

 Bonne lecture à vous :) 

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« Tu sais l'ami, ça n'est pas pour te vexer, mais tu as une sale tête. Si tu te voyais ! tu rirais comme je ris. On croirait que tu as vu un fantôme.

« Pardon : c'est toi, le fantôme. Tu n'es pas blanc, tu n'es pas pâle, tu n'es pas blafard, tu es tout cela à la fois. On te dirait d'un bloc façonné par quelque sculpteur torturé. Ta peau est un marbre proconnèse et grossier, gravé de rides et de sillons comme des lits desséchés. Tu es figé, paralysé, pétrifié. Toi Atlas, moi la Gorgone.

« Tu sais l'ami, tu me rappelles ce tableau que j'avais vu dans un musée, un jour. Je n'avais pas de ticket, mais j'ai quand même réussi à me glisser dans la salle, en même temps qu'un groupe de touristes chinois. Personne ne l'avait remarqué. J'ai fait le tour de la salle, très vite, et puis j'ai vu ce tableau. Le Hurlement, quelque chose du genre. Je me suis arrêté devant, je crois qu'il avait soulevé quelque chose en moi, mais je ne saurais dire quoi. Et puis je suis parti, et puis je l'ai oublié. Jusqu'à ce que je te voie.

« Tes mains arachnéennes et cachectiques se sont emparées de ton crâne glabre, tourmentées, expressives, désespérées comme des animaux traqués se cramponnent à leur vie, et le tordent, le défigurent, le lacèrent, lui donnent une expression hideuse. Ton blair est difforme, et ta face se fend d'une large balafre, comme le ciel la foudre. Pourtant, rien ne sort de cette bouche atroce, monstrueuse, démentielle. Pas un souffle, pas un son, rien ! Ta voix ne parle pas.

« Ta voix ne parle pas, mais tes yeux hurlent pour toi. Ils sont fous, écarquillés, exorbités. Ils sont deux points noirs sur des billes blanches, qui roulent de bas en haut, qui tournent de droite à gauche. Tes globes déréglés couvent les ténèbres de la campagne par laquelle je suis allé. La fenêtre que j'ai ouverte et les battants que j'ai fait claquer. Le pâle halo nimbant la flamme, vacillante et incertaine, dans un combat inégal contre l'obscurité, au faîte du bougeoir de laiton que j'ai frôlé. Ton journal aux blonds feuillets que j'ai feuilleté et effeuillé. Le bureau marqueté et le fauteuil baroque desquels j'ai sauté. Enfin, les murs poussiéreux que j'ai longés, le sol grinçant que j'ai foulé. Mais regarde-moi plutôt, je suis là, devant toi.

« Bon, d'accord. Je reconnais que ça n'était pas très chic de ma part. De t'avoir fait dans un sursaut quitter ton lit, à la hâte enfiler ta robe de chambre et chausser tes pantoufles, en vitesse allumer ton bougeoir et diligemment sortir dans le couloir glacial pour t'enfin rendre à l'office, tout cela dans le seul but de me distraire. Oui, l'ami, je le reconnais ; j'ai été égoïste et cruel.

« Mais comprends-moi, l'ami, c'est que je suis seul ! Je suis seul, seul, seul, affreusement seul. Mais tu restes sourd à ma détresse ; mais tu ne peux connaître ma souffrance. Comment le pourrais-tu ? Tes yeux me regardent sans me voir, tes oreilles m'écoutent sans m'entendre, ta peau me sens sans me ressentir, ton nez m'inspire sans me respirer, ta bouche m'avale sans me goûter.

« Ah ! que ne donnerais-je pas pour être, comme toi, doté d'une apparence, doué d'une matérialité. Que ne donnerais-je pas pour avoir, comme toi, deux bras, deux jambes, une tête et un corps. Hélas, que pourrais-je donner, sinon moi-même ? Je ne suis que le Vent.

« Alors, toute la journée durant, je hurle et je tourne en rond. »

***** 

 Je t'ai retranché un p'tit demi-point pour la consigne : je trouve que seulement le paragraphe 2, 4 et 5 sont dédiés à la description, et donc la narration prend la partie majeure de ton récit. ^^ 

 A part ça, tout est bon ;) 

Recueil de Textes {Livre Annexe du Recueil de Défis}Where stories live. Discover now