E1 | Défi N-2 #2 ● Image N°5 ●

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 C'est le texte de -Synecdoque- 

 Une très belle description ! 

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  La bise s'éteint. Elle dépose enfin sa dernière étreinte, trépasse dans son dernier souffle et retourne se mourir auprès des lourds vents de cet hiver impérissable. Si la borée soufflait un semblant de vie, sa cousine du grand nord insufflait la mort. Non pas une mort directe, mais un quelque chose qui se rapprochait à de la torture. Elle commençait par les pieds, les mains et toutes les parties que le voyageur, impertinent, n'a pas dissimulé. Elle s'infiltre, caresse de ses doigts glacés chaque membre, chaque petit morceau de chair encore tendre et chaud à ces yeux, jusqu'à ce que, comme elle, ils cessent d'agir. Plus personne n'ose s'aventurer sur le domaine du veuf de glace que l'on appelle l'hiver.

  La grande plaine est blanche, immobile et sans voix. Plus de perdrix, de bouquetins ni même de renard qui gambadent joyeusement dans la prairie lors des beaux jours de printemps. Rien, seulement un long manteau blanc de neige répandu sur le sol terreux. Il est parsemé ça et là de quelques sapins vigoureux. Ils tiennent bon malgré le gel qui leur couvre les racines, leur gratte le tronc mais surtout ils résistent au duvet blanc, gelé qui leur pèse lourdement les branches. Au fond de la scène, on peut découvrir un banc d'épicéas, tout serrés, collés presque s'ils le pouvaient. Ils maudissent leurs épines odorantes qui les gênent pour que chacun se rapproche de son voisin dans l'espoir de se tenir chaud. Soit ce sera le froid, soit ce sera la douleur qui les emportera se disaient-ils. Les deux étaient en soi intimement liés.

  Pendant que la nature, forte, survivait, l'aube, elle, sortait de son long sommeil. Elle apportait avec elle les premiers rayons du jour nouveau. Sa douceur enchanteresse et sa blancheur immaculée emplissait le ciel comme un voile de pureté envelopperait le monde. Venait à son tour l'aurore rougeoyante, cadette de cette voûte céleste des beaux matins de l'hiver naissant. Elle semble rompre le calme tranquille de sa sœur d'albe. La jeune excentrique remplissait si vite le ciel qu'aube fut chassée, demeurant esseulée dans un coin du ciel, presque acculée aux nuages. De longs et épais nuages, perdus dans les volutes absconses dessinées par la jeune aurore. Comme ceux qui sont passés ici, elle lutte. Elle se bat pour garder sa place dans l'immense voûte céleste, elle se mêle à ces gestes effrénés. Tout se fond, se confond et se mêle en un rose bien pâle, preuve du pugilat que les deux sœurs mènent chaque jour, et cela sous le regard attentif de l'imposante montagne. Elle restait là, pensive et pleine d'affliction face à la désolation.

  Même si tout semble calme, en réalité, chaque petit monde tente, à sa manière, de tenir bon. Ils pensent inconsciemment à la mort qui se rapproche en voyant les quelques passants qui tombent sous le joug des vents. Chaque instant de répit est une seconde de vie que chacun se voit accordé.

Recueil de Textes {Livre Annexe du Recueil de Défis}Where stories live. Discover now