Recueil de Textes {Livre Annexe du Recueil de Défis}

E1 | Défi N-2 #2 ● Image N°8 ●

 Et finalement, le texte de la talentueuse -clepsydre-, original car optant pour le pronom "tu" :) 

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  Lorsque tu ouvres ton manuel de philosophie, la description de la politique te saute à la gorge. Du grec polis, cité, elle désigne à la fois la réflexion théorique sur la meilleure forme possible d'organisation en société et l'action chargée d'assurer cette organisation. Tes sourcils se froncent alors que ton regard se repose sur la caricature. Décidément, tu constates le flagrant décalage entre la justice et la morale portée par le concept philosophique et l'inique réalité criée par l'image.

  Sur fond or fané s'étale ce que tu identifies d'abord comme un amphithéâtre. Politique. Les bancs rouge prestige de l'Assemblée Nationale s'esquissent comme une tâche au centre de la caricature. Ils sont déjà au cœur de la vie politique française. Ils méritent bien une place de choix dans l'œuvre du dessinateur.

  « Loi de moralisation », explique l'écriture noire ; « de la vie politique, septembre 2017 », ajoutent tes connaissances. Le dessin hurle ses sous-entendus. Tu les regardes attentivement.

  Plus à droite dans le sens du dessin ─ subtile coïncidence ou choix délibéré ? Tu ne voudrais pas tirer de jugements hâtifs, les souvenirs de la dernière élection présidentielle sont encore trop brûlants ─, un député fige ses mains dans l'attitude condescendante d'une évidente explication. Ses cheveux bruns griffonnés du bout du crayon, son double-menton, son long nez et son visage épais en ovale te demeurent étrangers. Tu n'arrives pas à l'identifier. Son costume veste-cravate noir et blanc représente-t-il l'ensemble de la sphère politique, désignée sous cet uniforme, comme une métonymie ? Se rapporte-t-il à la majorité ? Tu en doutes. Il s'agissait de l'apogée d'Emmanuel Macron, ses premières heures de présidence ─ une de ses promesses de campagne.

  - Si on ne peut plus être des escrocs, à quoi va servir l'immunité parlementaire ?! s'indigne-t-il.

Les paroles du député s'étalent en lettres noires dans la bulle blanche du débat parlementaire. À ses côtes, son unique collègue le toise, ses yeux comme deux fentes. Son long nez pointu masque son agacement. Sa main se cramponne à son dossier, assorti à son siège. Sans doute sait-elle que pour un compte luxembourgeois, un emploi fictif ou un dîner riche en homard, plusieurs carrières ont été suspendues en plein vol. Ce même sort pend au nez de son collègue.

Pourtant, tu ne distingues aucune bulle de parole. Elle reste muette. Seule son attitude trahit son désaccord. Le message de cette caricature tient dans son regard ; une sourde critique des mœurs corrompus qui empoissonnent hélas la vie politique française. La confiance reviendra-t-elle ? Trop accrochés à leurs privilèges, certains députés rechignent. Les autres se mettent à peine en marche.

Mais, déjà, ton regard balaie l'image et rencontre les contours flous de l'Assemblée Nationale, qui eux-mêmes se fondent dans l'arrière-plan. Brusquement, tu froisses la page du journal, renfermes ton manuel de philosophie. Ton plan détaillé pourra attendre demain. La signature illisible du dessinateur te ramène à la réalité. Toi aussi, tu veux changer les choses. Alors à défaut de manier le pinceau, tu prends la plume.