E1 | Défi N-3 ● Gagnant ●

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Cet extrait de texte est celui de la gagnante de ce Défi, avec une note de 24.5/25 : VALEM77 ! 

Côté langue, tout est parfait. Mais ce n'est pas tout ! Venez découvrir les personnages, et la véritable histoire fantastique derrière le contre de La Belle et la Bête ! 

Le demi-point perdu est pour la consigne, vu que la fin est très différente de celle originale. 

Cette participante a également décroché la Mention Coulisses Epatantes ! Félicitations ! 


Bonne lecture :)  

***

  Très chers lecteurs, oubliez tout ce que vous avez pu lire, entendre ou voir sur l'histoire de La Belle et la Bête

  Moi, Moche - la sœur de Belle - je vais vous raconter ce qu'il s'est vraiment passé.

  « Moche » ce n'est pas un nom, me direz-vous. Je vous rétorquerai que « Belle » non plus, à part peut-être pour une chienne. Mon père avait beaucoup d'humour, ou de bêtise, c'est selon.

  Même mon aînée n'a pu échapper à la sordide fantaisie de mon père : elle fut baptisée « Méchante ».

  Mais revenons-en au début, au jour où tout a commencé, car ne dit-on pas que l'avenir prend toujours racine dans le passé ?

  C'était durant l'hiver de l'an mille, par une nuit terne et sans lune. À l'instant t, l'instant de mon premier cri.

  — Mon Dieu qu'elle est vilaine ! lança mon père.

  Dès que j'atterris dans ses bras tremblants, il détourna le regard. Je dois reconnaître que j'étais loin du bébé rose et joufflu auquel s'attend tout parent : un corps chétif aux côtes saillantes, des yeux qui s'évertuaient à ne pas regarder dans la même direction et un crâne déformé par les ventouses. Lorsque je souris, pour attendrir ma mère, quatre petits crocs noirs sortirent de ma bouche et lui arrachèrent un cri d'effroi. Pour couronner le tout, un duvet de poils bruns recouvrait ma peau. Je ne perdis mon lanugo que vers l'âge de trois ans, lorsque ma sœur vit le jour.

  Son arrivée fut bien différente de la mienne. Elle naquit durant une belle journée d'été, lors de l'un de ces moments rares où naissent les mythes et les légendes.

  — Oh, qu'elle est magnifique ! admira mon père.

  — Nous l'appellerons Belle, dit ma mère, la bouche en cœur.

  Dès lors qu'elle ouvrit les yeux, mes parents furent comblés. Elle était merveilleuse, comme si la nature avait concentré en elle toutes les beautés de la mer, du ciel et de la terre. Mais leur béatitude ne dura qu'un instant. Quelques minutes après l'accouchement, notre mère fut assaillie de spasmes infâmes et se vida de son sang.

  Mon aînée profita de la confusion pour gifler Belle et mordre son petit pied parfait. Elle avait fait de même lorsque ma mère la mettait au sein. Cette sale manie lui avait d'ailleurs valu son terrible prénom. Depuis toujours, elle mordait tout ce qui se présentait à ses dents avides. Dès mon plus jeune âge, j'avais pris l'habitude de me tenir à bonne distance de ses canines.

  Après la mort de notre mère, mon père s'écroula. Seule la présence de Belle lui réchauffa le cœur pendant quelques années, mais petit à petit, l'hiver gagna du terrain et l'alcool lui ouvrit les chemins de l'oubli.

  Évidemment, je ne pouvais qu'être jalouse de Belle : elle avait tout, je n'avais rien. Les garçons la regardaient avec des yeux charmeurs. Avec moi, ils détournaient le regard. Elle était intelligente, j'étais bête comme mes pieds aux ongles jaunes et crochus. Elle savait lire, je peinais à déchiffrer mes cahiers. Elle possédait une voix mélodieuse, je chantais comme une vieille casserole.

Recueil de Textes {Livre Annexe du Recueil de Défis}Where stories live. Discover now