Chapitre 6. La passagère

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L'envers

Thorn était en plein questionnement. Comment se rendre au Pôle ? Avec la grande réinversion, les déplacements dans l'envers se faisaient comme dans l'endroit. Il n'était plus possible de parcourir de grands trajets en un seul pas. Il ne pouvait pas s'y rendre en miroir car la distance était trop importante. Les roses des vents existaient-elles ici ? Même si c'était le cas, il n'en avait pas les clés. Il n'avait pas vu de dirigeable depuis qu'il était là, ni aucune sorte de machine volante. Il n'existait pas non plus de trains. En effet, ces moyens de transport n'étaient pas nécessaires à l'envers d'avant la grande réinversion. Il passa une semaine à faire l'inventaire de tous les moyens de transport qui existaient aux environs et dû se rendre à l'évidence. Le bateau était sa seule option. Car l'autre moitié du monde, celle qui avait été plongée dans l'envers à la déchirure, était celle qui contenait la plupart des mers et des océans. Des étendues d'eau rouge s'étalaient à perte de vue. A leurs surfaces, des dizaines de voiliers vides, des navires de guerre, des bateaux de pêche et des barques étaient à sa disposition. Thorn ne connaissait rien de ces engins dont il n'avait jamais eu l'utilité. Il lui fallait donc tout apprendre de la navigation. Le mémorial de Babel contenait dans ses livres, toute la mémoire de l'humanité, c'est là qu'il trouverait tout ce qu'il avait besoin de savoir. Assis sur une passerelle en métal face à un rayon de documentaires sur les technologie du monde d'avant la déchirure, il était absorbé dans un livre sur les courants marins quand il perçut des vibrations sur le sol. Il n'était pas seul. Il se leva aussi vite que sa jambe le lui permettait. Sourcils froncés, il examina des pieds à la tête la créature qui marchait vers lui. Mediana. Il ne fut pas surpris. Il s'attendait à la voir apparaître tôt ou tard, bien qu'il eut préféré plus tard encore. Soudain une douleur lui parcourut la tête aussi brièvement qu'un éclair.

- Sir Henry ! ou devrais-je dire, comment c'était déjà ? Tom ? Todd ? Ha oui Thorn.

Thorn eut un mouvement de recul. Il avait entendu la voix de Mediana. Pourtant elle n'avait pas bougé les lèvres. Aucun son n'était sorti de sa bouche. Elle eut un petit rire qu'il entendit également alors qu'il ne s'était matérialisé que par un sourire sur son visage.

- Ici on communique par la pensée, vous ne le saviez pas ? Il se concentra alors pour lui répondre:

- Comment connaissez-vous mon nom ?

- Signore, je sais tout de vous. C'est votre charmante épouse qui m'a révélé tous vos secrets. Bien malgré elle, rassurez-vous, je me suis juste invitée dans ses souvenirs.

Thorn frissonna à ces mots. Il savait combien une intrusion de ce genre pouvait être douloureuse.

- Votre femme ne vous l'a pas dit ? jubila-t-elle.

- Non, dit-il en la fixant avec une colère froide, elle ne m'a rien dit. Sans doute a-t-elle craint ce que j'aurais pu vous faire si j'avais su.

Il fit un pas dans sa direction, et poursuivit:

- Mais il se trouve qu'elle n'est pas là aujourd'hui. Qu'est-ce qui m'empêche en cet instant de faire de vous l'exutoire de ma colère ?

Elle fit un pas en arrière. Il lut de la peur dans ses yeux et en tira une certaine satisfaction.

- Signore, pourquoi se fâcher ? Puisque nous sommes, comme vous le savez, très peu nombreux ici, pourquoi ne pas plutôt s'entraider ?

- Plutôt mourir.

- J'ai des informations qui pourraient vous être très utile, s'empressa-t-elle d'ajouter. Vous savez que je suis très forte pour récolter des secrets. Thorn mis sa rage en sourdine pour considérer rapidement la situation.

- Quel est le prix à payer en échange ?

- Pas grand chose, j'aimerais juste être incluse dans votre plan pour partir d'ici. Je sais que vous êtes très fort pour élaborer des plans.

- Quelles sont ces informations ?

- Hé bien, dit-elle en faisant durer le plaisir, je sais qu'il existe un passage entre les deux mondes, et que ce passage ne s'ouvre que sous certaines conditions.

Elle fit une pause pour observer l'effet de son annonce sur Thorn et fut déçue de constater que son visage demeurait imperturbable. Elle poursuivit.

- Ce n'est pas tout. Pour quitter ce monde il faut normalement payer de sa personne, donner une partie de soi en compensation. Cependant il existe un moyen de déroger à cette règle.

- Où se trouve ce passage ?

- Ça, je l'ignore, Signore, Je compte sur vous pour le découvrir. Et quant aux conditions, hé bien, chaque chose en son temps, il faut bien que je vous donne une motivation pour me garder en vie, non ?

- Sur ce point au moins, vous avez raison.

Thorn bouillonnait intérieurement. Ces informations étaient-elles fiables ? Il n'avait pas d'autre choix que de les explorer car il n'avait aucune autre piste, mais la méfiance restait de mise. Les mots qu'il avait proférés à Mediana étaient essentiellement destinés à lui faire peur, mais une partie de lui avait ressenti l'envie de les mettre à exécution. Cette partie de lui qu'il haïssait, qui le conduisait à se sentir indigne de l'amour de sa femme; il redoutait que la présence permanente de quelqu'un comme Mediana ne la fasse prospérer. Il n'aurait pas pu imaginer pire en terme de compagnie. Il ignorait cependant qu'à cet instant précis, une troisième paire d'yeux les observait à distance.

L'exode. Une suite du tome 4 de la passe miroirDove le storie prendono vita. Scoprilo ora