Chapitre 28. L'équilibre

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L'envers, une heure avant l'éclipse

Quand Ophélie reprit connaissance, elle et Thorn étaient assis dos à dos, ligotés par des cordes. Il était réveillé. Elle eut instinctivement un mouvement de recul.

- N'aie pas peur, lui dit-il, j'ai repris le contrôle de mes griffes, tu ne risques rien.

Soulagée, elle voulut lui demander comment mais jugea que ce n'était pas le moment. L'urgence était de se défaire de ces cordes. Aucun d'eux ne pouvait utiliser les griffes à cet instant pour se libérer car il risquait de blesser l'autre. Ophélie balaya la pièce des yeux. Ils étaient dans une sorte de hangar qui ne comportait que quelques meubles bricolés en planches de bois, qui tenaient à peine debout. Elle vit ensuite une paire de chaussures cirées. Elle leva les yeux. Lazarus était devant eux.

- Welcome ! leur dit-il en leur adressant un grand sourire.

- Qu'est-ce que vous voulez ? lâcha Thorn.

- Oh mais rien de plus que ce nous voulons tous, obviously: rentrer chez moi ! Well, à un détail près, contrairement à votre femme, je souhaite conserver tous mes membres, dit Lazarus, ponctuant sa phrase d'un petit rire sardonique.

- En quoi cela nous concerne-t-il ? le coupa Thorn

- Et bien, my dear, le seul moyen de partir d'ici intact c'est que quelqu'un y entre à votre place. C'est là que votre lady intervient. Vous voyez, je savais qu'elle reviendrait vous chercher, je n'avais qu'à lui donner un petit coup de pouce, et voilà ! fit Lazarus en balayant l'air d'un geste théâtral. Tout le monde gagne dans cette affaire: vous êtes enfin réunis et je rentre chez moi. Win win ! Après tout, c'est elle qui m'a poussé ici, persifla-t-il, le visage soudain assombri. Elle me doit bien ça.

Pensif, il marqua une pause puis ajouta:

- Mais si vous voulez bien m'excuser, je vais devoir vous laisser. Comme vous le savez, il faut que je parte pendant l'éclipse.

Un cri aigu retentit soudain dans les esprits de chacun. Le chevalier venait de faire son apparition. Bien qu'étant devenu un adolescent, il avait conservé son visage de poupon maléfique et ses caprices d'enfant.

- Vous nous avez tous dupés ! ragea-t-il. Vous deviez attirer ici ces gens de l'envers. Un pour chacun d'entre nous. C'était ça le marché. Au lieu de ça vous n'avez ramené que cette petite dame insignifiante ?

- Shhhh calme toi, boy, fit Lazarus d'un ton professoral, je ne pouvais tout simplement pas laisser venir ces gens ici ! Si on en laisse entrer un, ils rappliquent les uns après les autres. Ils sont tous connectés là-dedans dit-il en tapotant sa tête.

- Si je les avais tous laissé entrer nous aurions eu un beau chaos sur les bras, reprit-il. Je ne sais pas pour toi mais je ne tiens pas à retenter l'apocalypse. L'équilibre entre les mondes est fragile, il faut le respecter.

Thorn profita de l'altercation pour parler à Ophélie sans être entendu des autres:

- De nous deux c'est toi la meilleure animiste, je vais le faire parler et pendant ce temps libère-nous de ces cordes.

- C'est ce que j'essaie de faire depuis tout à l'heure mais la seule chose que je communique à ces cordes c'est ma nervosité et en réponse elles se serrent d'avantage.

- Arrête d'essayer. Vide ton esprit et fait-le.

Ophélie prit une profonde inspiration et Thorn lança rageusement à Lazarus:

- C'est vous qui avez tiré sur mon bateau ? - Ne m'en voulez pas, dit Lazarus, la tête penchée sur un côté, mais je ne pouvais pas risquer que vous preniez ma place.

- Vous n'avez réussi qu'à tuer Médiana dit-il d'un ton féroce.

- Ooooooh, vous m'en voyez navré.

- Au fait, vos 11 enfants sont en bonne santé, non pas que vous vous en souciez.

Lazarus marqua un temps d'arrêt.

- Vous ne le saviez même pas, Grand Voyageur ?

- Vous avez rencontré mes nounous à ce que je vois. Elles sont formidables n'est-ce-pas ? dit-il en retrouvant son sourire de clown démoniaque. J'avais besoin de personnel soignant pour l'Observatoire, la main d'œuvre de qualité se fait rare, et je ne pouvais quand même pas kidnapper des gens à Babel. Alors je les ai persuadées de traverser la corne d'abondance de leur plein gré. N'est-ce pas ingénieux ?

Ophélie ne put se retenir de poser elle aussi une question:

- Les gens de l'envers qui sont morts, c'était vous aussi ?

- My dear, il me fallait un moyen de vous attirer jusqu'ici. Alors j'ai fait disparaitre ces deux infortunés qui rodaient autour du lac. Il ne restait plus qu'à faire courir une rumeur et à m'assurer que votre petit prétendant en soit informé... Oups, ais-je dit quelque chose qu'il ne fallait pas ? dit-il en mettant une main sur sa bouche, satisfait de sa pique.

Thorn resta en effet silencieux quelques secondes avant de poursuivre son interrogatoire:

- Vous n'avez pas pu faire tout ça tout seul, qui vous a aidé à l'endroit ? lança-t-il- Lady Septima of course ! s'exclama-t-il. Vous seriez ébahis de voir jusqu'où cette vieille pie est capable d'aller au nom de l'ambition. Je lui ai promis de ramener avec moi ses chers boss les généalogistes sans qui elle n'est plus rien. Well, pour ne rien vous cacher elle a aussi sauté sur l'opportunité de se débarrasser de la petite intrigante étrangère qui a monté son fils contre elle. Il adressa un clin d'oeil appuyé à Ophélie qui ne se laissa pas déconcentrer. La seule chose que je n'avais pas prévue c'est la propagation de cette rumeur. Un véritable exode à ce qu'il paraît.Il haussa les épaules.

- Oh well, on ne peut pas tout prévoir, ajouta-t-il en guise de conclusion.

- Comment avez-vous réussi à communiquer avec Lady Septima dans l'endroit ? dit Thorn sèchement.

- Par les miroirs bien sûr, dit Lazarus en souriant. Vous ne croyez tout de même pas que je n'ai rien appris durant toutes ces années à l'observatoire ?

Lazarus se mit à exécuter une chorégraphie qu'Ophélie reconnut immédiatement: main droite vers le haut, paume en l'air, main gauche vers le bas, paume dirigé vers le sol et inversement, d'abord lentement puis de plus en plus rapidement. Soudain, son ombre s'écarta de son corps, en se déplaçant graduellement telle l'aiguille d'une montre, puis finit par se séparer de lui.

- Voyez, dit-il en jubilant, vous n'êtes pas la seule à pouvoir vous séparer de votre écho my dear. Et comme vous le savez, les échos peuvent aller dans l'entre-deux et parler dans les miroirs. Ophélie et Thorn demeurèrent silencieux. L'ombre de Lazarus reprit sa place dans son corps.

- Well, je crois que vous avez posé assez de questions pour aujourd'hui Sherlock Holmes, il est grand temps de...

Il ne finit pas sa phrase. Au lieu de cela, il tomba sur les genoux, les yeux exorbités, avant de s'écrouler sur le sol. Le chevalier venait de lui assener un grand coup de planche en bois derrière la tête.

L'exode. Une suite du tome 4 de la passe miroirWhere stories live. Discover now