Chapitre 32. Les roses

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Les deux familles avaient convergé vers la maison de Lazarus dans une joyeuse ambiance. Seule Bérénilde avait les yeux rougis après avoir lu la lettre d'Archibald. Ophélie l'avait embrassée pour lui manifester son soutient mais Bérénilde n'avait pas souhaité s'épancher, tout comme Thorn qui était toujours aussi peu loquace. Ophélie voulait lui parler en tête à tête mais ils étaient tous les deux au centre des attentions et il était difficile de s'isoler dans ces conditions. Elle regrettait déjà de ne plus pouvoir lui parler par télépathie. Elle finit par trouver une opportunité quand Octavio captiva l'assemblée de son récit sur les automates, les éboulements et les explosions. Elle tira Thorn par la main et l'entraîna dans sa chambre à l'étage.

- Il faut qu'on se parle, lui dit-elle, tout en marchant.

Il ne la contredit pas. Quand ils arrivèrent dans la pièce, elle referma la porte.

- Thorn, ce que Lazarus a dit...

- Ça n'a pas d'importance, la coupa-t-il, sourcils froncés.

- Si ça en a.

- Ophélie, j'ai cru ne jamais te revoir, alors, vraiment ça n'a pas d'importance. Sauf si... Il resta silencieux quelques secondes, les yeux fixant le sol, avant d'articuler:

- Sauf si tu m'as remplacé ? Ophélie sentit son cœur se briser dans sa poitrine. Il avait l'air si désemparé qu'elle eut envie de l'envelopper de tendresse. Ce penchant fut cependant remplacé par l'envie de tambouriner sur son torse. C'est cette dernière impulsion qui prit le dessus.

- Comment tu peux me demander ça ? demanda-t-elle, les larmes aux yeux. Comment tu peux me demander ça après tout ce qu'on a vécu ? Est-ce que tu doutes de moi au point de t'imaginer que j'aurais pu te remplacer au bout de deux ans ?

Il leva les yeux vers elle.

- Non, Ophélie ce n'est pas cela.

- Oh je sais que ce n'est pas ça. Je sais qu'en réalité tu as si peu d'estime de toi que tu es prêt à sauter sur la moindre occasion de douter de mes sentiments. Alors moi, tu vois, je vais faire quelque chose: je vais t'aimer pour deux, en espérant qu'un jour peut-être, tu réussiras à te voir comme je te vois, ne serait-ce qu'un peu.

- Et puis, soit dit en passant, je n'ai strictement rien fait qui puisses te permettre de me questionner de la sorte, et en l'occurrence ce n'est pas moi qui ai passé six mois sur un bateau en tête à tête avec une femme, dit-elle en croisant les bras.

Thorn écarquilla les yeux puis ses lèvres s'étirèrent vers le haut. Un sourire. Ophélie n'en croyait pas ses yeux, c'était probablement la première fois qu'elle le voyait sourire et c'était pour se moquer d'elle.

- Tu veux parler de Médiana ? Au bout de six mois j'ai tout juste réussi à tolérer sa présence. Et au fait j'ai appris ce qu'elle t'a fait subir, tu aurais dû me le dire... Je ne l'ai amenée avec moi que parce que c'était sa condition pour qu'elle me dise ce qu'elle savait. Parce que c'était le prix à payer pour retrouver ma femme dit-il en la regardant intensément.

- C'est la première fois que je vois une telle chose chez toi, ajouta-t-il comme s'il se parlait à lui-même. C'est fascinant.

- Quoi donc ?

- La jalousie.

- Puisqu'on en parle Thorn, j'espère que tu n'es pas en colère envers Octavio. Il n'a rien fait de mal en vérité.

Il soupira.

- C'est discutable, mais ne t'inquiète pas, je n'ai pas l'intention d'aller le provoquer en duel.

L'espace d'un instant Ophélie se demanda si cette phrase était à 100% ironique.

- Tu n'aurais aucune raison de le faire de toute façon.

- Ophélie, j'étais là, à Babel dans l'envers, ici dans cette chambre. J'y suis resté quelques temps avant de partir au Pôle. Je t'ai vue tous les soirs, par ce miroir.

- Tu m'as vue ? souffla-t-elle.

Il hocha la tête et se tut un instant avant de reprendre.

- Je sais que je t'ai dit que j'étais possessif mais... si j'avais disparu pour de bon... même s'il m'est insupportable de t'imaginer avec un autre, t'imaginer pleurer seule toutes les nuits m'est encore plus insupportable.Elle empoigna les revers de sa chemise.

- Alors reste avec moi. NE ME LÂCHE PLUS JAMAIS.

Il l'entoura de ses bras et l'embrassa fiévreusement. Quelques temps plus tard, la tante Roseline s'approcha de la porte de la chambre à la recherche d'Ophélie pour lui dire au revoir, et fit aussitôt fait demi-tour. Rouge comme une pivoine, mais souriante, elle convint Bérénilde qui venait dans sa direction, d'aller plutôt admirer les roses dans le jardin.

L'exode. Une suite du tome 4 de la passe miroirTempat cerita menjadi hidup. Temukan sekarang