CHAPITRE 4

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Je gardais précieusement le calendrier habituellement accroché dans la cuisine près de moi, pour ne pas perdre la notion du temps. Je ne mangeais plus, ne buvais que pour ne pas mourir assoiffée et passais mes journées entières à dormir. Une semaine était passée depuis que Furlan, Isabel et Livaï étaient partis.

7 jours.
168 heures.
604800 secondes.

Ils auraient dû être de retour depuis deux jours déjà, et je ne pouvais m'empêcher d'imaginer le pire. S'ils n'étaient pas revenus, alors la mission avait échoué, et ils 'étaient probablement... morts. Des idées noires ne cessaient de prendre possession de mon mental déjà très affaiblis par leur départ. Je passais mes journées à pleurer, et à m'enfoncer, un peu plus chaque jour, dans les ténèbres de cette vie que je ne maîtrisais plus. Les crises de paniques étaient de plus en plus récurrentes, et plus persistantes. À chaque crise qui passait, la suivante était pire que la précédente et j'étais certaine d'en mourir à chaque fois. Mais j'arrivais toujours à m'en sortir. À nager au dessus de la surface pour reprendre ma respiration. À ne pas laisser le flots de pensées négatives me noyer.

Je m'accrochais à la vie dans l'espoir de revoir Livaï. Dans l'espoir que, d'une minute à l'autre, il passerait le pas de la porte d'entrée pour me serrer à nouveau dans ses bras. Mon corps ne répondait pratiquement plus aux ordres que je lui envoyais. J'étais trop faible pour me maintenir debout trop longtemps, et je finissais toujours pas m'écrouler sur le sol si je tentais de faire autre chose que le stricte nécessaire. La fièvre gagnait du terrain, me faisait voir des choses qui n'étaient pas réelles, me rendait tout simplement folle. Parfois, j'étais persuadée que Livaï était là, je lui parlais, lui confiais à quel point j'étais fatiguée, et ensuite je me rendais compte que mon cerveau me jouait des tours. Je n'étais pas certaine de pouvoir tenir encore longtemps, et peut être qu'il était préférable de mourir, plutôt que de survivre à la perte de mes personnes préférées.

Il était sûrement tôt dans la matinée lorsque j'ouvris les yeux. Les ruelles avaient l'air calmes et aucun bruits ne traversaient les fins murs de cette maison mal construite. Une nausée envahit vite mon estomac, mais je savais que je ne vomirais rien, alors je me contentais de me redresser sur mon lit pour m'y assoir. Comme à chacun de mes réveils, la sueur avait trempé mes draps et mon pyjama. Il faudrait que je prenne mon courage à deux mains pour me traîner jusqu'à la douche et nettoyer cette crasse qui me dégoûtait.

Livaï avait toujours été maniaque, et ses tocs avaient l'air  de s'aggraver avec le temps. J'avais grandis avec lui, donc forcément j'étais légèrement atteinte, moi aussi. Il m'avait refilé ces obsessions pour la propreté et l'ordre, et j'aurais voulu ne pas y penser dans un moment pareil. La maison était un vrai taudis, je n'étais plus capable de quoique ce soit et cela ne faisait qu'augmenter l'état de stresse permanent dans lequel je me trouvais. Je posais les yeux sur le désordre, et j'amenais automatiquement mes ongles à ma bouche pour les ronger, tant la tension nerveuse que cela m'infligeait était douloureuse.

Je soupirai en passant les jambes dans le vide qui séparait le matelas du sol, et posais mes pieds douloureux sur le parquet froid. La journée allait être longue, comme toutes les autres et j'étais déjà au plus mal de ma forme.

Je sursautais lorsque des coups frappèrent sur la porte d'entrée.

Livaï.

Il était revenu. Il n'était pas mort et il était revenu.

Je me cramponnais à la commode, manquais de tomber à la renverse en passant dans le salon mais me rattrapais contre le mur pour m'y épauler. Maintenue par les briques, je m'appuyais et tentais de me rendre vers la porte le plus vite possible. Tremblante, je tournais la clé dans la serrure et ouvrit lentement. Les larmes roulèrent sur mes joues, sans que je ne m'en rende compte, lorsque le visage d'un homme aux lunettes rondes, les cheveux mi longs, un long manteau noir sur le dos, se tenait sur notre paillasson.

BROKEN HEARTS Where stories live. Discover now