CHAPITRE 11

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J'observais sa main, enlacée dans la mienne, depuis mon réveil. Il m'était impossible de briser ce cocon tout doux dans lequel nous étions enfermés, liés par cette étreinte chaste, et pourtant chargé de tout l'amour que nous nous portions. J'essayais de le haïr, de détester chaque minuscule cellule qui composait son être tout entier. Mais j'en étais incapable. Mon corps le réclamait, et ses doigts croisés aux miens renforçaient ce besoin presque vital d'être collée à lui, à chaque instant.

Le soleil ne s'était pas encore levé, et les rayons argentés de l'astre nocturne traversaient les carreaux de cette grande chambre, éclairant largement pour que j'y vois clair. Livaï menait une vie totalement différente de celle qu'il partageait avec moi, autrefois. Il n'était visiblement plus à plaindre financièrement, à en juger par le costume coûteux qu'il portait lors de mon arrestation, de ce service à thé en porcelaine qui trônait fièrement sur la commode, de ces draps en soie dans lesquels j'étais confortablement installée, et de cette magnifique robe dans laquelle il m'avait enveloppée. Après tout, il était devenu le bras droit du major, le caporal chef de ce corps d'armée qui combattait les horreurs que ce monde avait engendré. Je supposais qu'il avait accès à certain privilèges, et que sa vie était bien plus agréable désormais.

Une pointe de regrets vint piquer mon cœur. J'aurais voulu faire partie de ce cadre idyllique, avoir ma place au sein de cette nouvelle existence qu'il avait façonné. J'aurais aimé l'accompagner dans ses missions importantes, qu'il m'apprenne à manier l'épée, à abattre les titans et à construire un avenir à la surface. Mais je n'étais plus que qu'une pièce rapportée, un morceau de puzzle qui ne coïncidait pas avec le sien. Même s'il le voulait, Livaï ne pourrait plus m'intégrer à cette vie qu'il avait construite sans moi.

Ses yeux s'ouvrirent lentement, dévoilant ses pupilles grises à la lueur argentée qui s'abattait sur son visage. Il ne prit pas le temps de s'étirer, et pencha son buste en avant pour amener sa main libre contre ma joue.

- Tu es déjà réveillée ?
- Insomnie, répondis-je doucement, la voix encore enrouée.

Il leva les yeux vers la petite horloge carrée, disposée près du service à thé, et fronça des sourcils en reposant à nouveau son attention sur moi.

- Il n'est que quatre heures du matin, annonça-t-il de sa voix grave et légèrement cassée, tu peux dormir encore deux heures.

J'haussais simplement des épaules.

- Désolée si je t'ai réveillé.
- Non, j'ai plus sommeil moi non plus.

Je lâchais sa main, et fit basculer mes jambes contre les siennes, dans le vide qui séparait le lit du sol. Mes tibia collés aux siens, je laissais doucement tomber ma tête contre lui, front contre front, et fermais les yeux, inspirant profondément l'odeur musquée qui se dégageait de sa peau.

- Que s'est-il passé ? Murmurais-je en ouvrant les yeux.

Je n'avais pas besoin de m'expliquer. Nous avions jamais eu besoin de ça. Il savait me comprendre, sans trop de mots. Un regard suffisait à expliquer clairement ce que nous ressentions, et où nous voulions en venir. Alors j'espérais que ce lien n'avait pas été brisé, malgré ces nombreuses années de séparation.

Il prit doucement mes joues entre ses paumes, et les caressa de ses pouces.

- Nous étions en mission pour toucher une conséquente somme d'argent, commença-t-il, les paupières closes, ça aurait largement couvert tes soins alors on a rejoint le bataillon sans se poser de questions. On devait simplement voler un document compromettant concernant l'homme qui nous avait engagé, et liquider Erwin.

BROKEN HEARTS Where stories live. Discover now