CHAPITRE 10

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L'odeur de la lavande chatouillait mon nez, m'extirpant du lourd sommeil dans lequel j'étais encrée. Mes paupières papillonnèrent quelques secondes, juste le temps de m'habituer à la forte luminosité qui émanait des carreaux. La couverture, rabattue sur mes épaules, sentait son parfum. J'étais allongée sur ses draps, j'en étais certaine. Cette senteur était là même qui embaumait notre chambre, autrefois, dans les bas fonds. Il n'avait visiblement pas changer ses habitudes et ça ne me surprenait pas, Livaï détestait ça. Il aimait que son quotidien soit plus ou moins le même, que les petites choses qu'il avait mises en place au fil du temps se répètent, indéfiniment. Je lui avais souvent fais remarquer que son âme était beaucoup plus vieille que son âge réel, et en réponse j'obtenais toujours une petite tape derrière la tête.

J'avais terriblement soif, et faim aussi. Mon estomac était tellement noué que j'en avais envie de vomir. Appuyée sur mon coude pour me relever, je fus retenue en arrière par mon poignet gauche. Un petit tintement de ferraille attira mon attention, et je ne fus pas surprise de constater qu'une paire de menottes me reliait à l'encadrement du lit. Je soupirais, et repris une position allongée pour être plus à l'aise. Mes cheveux tombèrent sur mon nez, imprégnant mes narines des effluves de ce shampoing que j'avais tant utilisé, à une certaine époque.

Livaï m'avait douchée.

Je passais ma main sur mes omoplates, imaginant ses paumes glisser délicatement sur ma peau salie par mon séjour en prison. Ce supposé contact me fit frissonner. Je remontais dans mes cheveux, y plongeais mes doigts et fut satisfaite de retrouver une matière douce et agréable au toucher. Je rencontrais une petite barrette plate sur mon chemin, que j'extirpais des mèches qu'elle contenait. Sans attendre plus longtemps, je l'insérais dans la serrure de mes menottes pour m'en défaire. Après plusieurs secondes à jouer avec le verrou, un petit cliquetis libera mon poignet endolori.

Livaï m'avait glissé cette barrette intentionnellement. Il savait que je m'empresserai de me détacher grâce à ça. Après tout, c'est lui qui m'avait tout appris et il me connaissait par coeur. Je souriais niaisement en constatant qu'il cherchait à m'aider, alors même que j'avais été infecte avec lui. Et ce sourire disparut presque aussitôt en me souvenant de la longue cicatrice qui courrait le long de mon bas ventre.

Oh merde. Il m'avait douchée.

Et il avait certainement aperçu l'endroit où l'on m'avait ouverte, cinq ans plus tôt, pour extraire mon fils de mes entrailles. Et il allait me poser des questions. Livaï connaissait chacune de mes cicatrices, de la plus petite à la plus grande. Mon corps n'avait aucun secret pour lui. Autrefois, il avait passé des heures et des heures à me soigner, à inspecter chaque petite parcelle de ma peau pour s'assurer que j'allais bien. Lorsqu'une nouvelle cicatrice apparaissait, il le savait.

- Tu es réveillée ?

Je levais les yeux vers la porte qui faisait face au large lit, et découvrit la petite tête à lunettes d'Hansi qui dépassait de l'embrasure. Elle entra, un plateau à la main, sans attendre que je lui le permette et ferma la porte derrière elle. Elle déposa le contenu de ses bras sur la commode qui faisait face au lit.

- Où est-ce qu'on est ? L'interrogeais-je alors qu'elle s'installa sur le rebord du lit.
- Au QG du bataillon d'exploration, répondit-elle en relevant les manches de la robe que je portais.

Ce ne fut qu'à ce moment précis que je réalisais que cette robe n'était pas la mienne. Pourtant, elle m'allait parfaitement. Le tissus bleu nuit cousu dans un coton doux et agréable collait à ma poitrine, en un col bateau qui révélait la naissance de celle-ci. Les manches étaient serrées au départ, et s'évasaient à partir du coude. Je n'avais pas vu sur le jupon, puisque les couvertures recouvraient mes jambes, mais j'étais certaine qu'il était tout aussi somptueux que le haut. Ce vêtement me paraissait coûter une fortune, et qui d'autre qu'un haut gradé de l'armée pouvait se permettre ce genre d'achat ?

BROKEN HEARTS Where stories live. Discover now