CHAPITRE 20

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Je caressai le flanc de Mia, la jument à la robe grise foncée qui m'avait été attribuée la semaine dernière. Elle était douce, coopérante et ne m'en voulait pas d'être encore légèrement maladroite lorsque je la montais. Livaï m'avait donnée des leçons d'équitation tous les jours, s'assurant que je sois prête à temps pour l'expédition qui avait lieu aujourd'hui.

Quatre-vingt soldats seraient déployés pour cette expédition, soit un tiers seulement de ce que représentait le bataillon dans son ensemble, dont trois agents médicaux et trois vétérinaires. Cela paraissait très peu pour la nombre de personnes susceptibles d'être blessées durant cette petite promenade au delà du mur rose, mais visiblement ça n'étonnait que moi. J'étais surprise de la façon dont ils avaient tous d'être excités à l'idée de sortir, alors que moi, j'étais terrifiée. Il était facile de tuer un titan en bois, dont les membres ne bougeaient pas. Mais quand était-il d'un vrai monstre, perché sur ses deux jambes, courant à vive allure dans le seul but de nous dévorer ? Je ne savais pas à quoi ils ressemblaient, et n'arrivais pas bien à imaginer leur immensité.

La mort ne me faisait pas peur, loin de là. Depuis la disparition de mon fils, j'acceptais la fatalité de mon destin. Mais mourir de la bouche de ces monstruosités m'écœurait. Ils avaient ôté la vie à mes meilleurs amis, à ceux que j'avais considéré comme des frères et sœurs et je refusais de perdre la vie sans n'avoir pu les venger.
Alors, oui, j'avais peur. Peur de leur apparence. Peur de me retrouver toute petite face à eux. Peur de ne plus pouvoir maîtriser les lames à force de trembler. Mais je ne laisserais pas cette peur m'envahir. Je n'avais pas d'autres choix que de garder la tête froide pour mener à bien la mission qui nous incombait.

- Ce n'est qu'une expédition de reconnaissance, Belle, me rassura Livaï qui s'occupait d'attacher ma selle sur Mia, si on arrive jusqu'à Shiganshina, nous n'irons pas au combat. On doit juste évaluer l'ampleur des dégâts là bas. Ça nous aidera à trouver une solution pour reboucher le mur.

Je posais ma tête sur son épaule, en continuant mes petites caresses sur l'animal qui arrivait à me calmer, sans rien faire.

- Isabel et Furlan ont-ils soufferts ? Demandais-je, le regard perdu sur le gris des poils de ma jument.
- Je ne pense pas, répondit Livaï tristement, je ne l'espère pas, du moins.

Il déposa un baiser sur mes cheveux et vérifia une dernière fois mes sangles une par une, tirant légèrement dessus pour s'assurer de leur solidité. Puis il m'invita à grimper sur celle qui serait désormais mon fidèle destrier.

- Tu sais ce qui m'emmerde le plus dans cette histoire ? Lançais-je en enfourchant la jument.
- Quoi ?
- Que je ne sois pas payée pour aller crever. Contrairement à vous tous.

Il secoua la tête en souriant, caressant mon mollet à sa hauteur.

- Déjà, tu ne vas pas mourir et ensuite ce que je gagne me permets largement de nous assumer tous les deux.
- Et j'aimerais gagner mon propre argent, c'est légèrement dégradant d'être dépendante de toi, rétorquais-je.
- Il n'y a rien de dégradant. T'as pas besoin de ça pour prouver que t'es une femme forte et indépendante. L'argent n'est qu'un détail, et je m'en occupe, de ce détail.

Je roulais des yeux en simple réponse, consciente que je n'aurais pas le dernier mot là-dessus. Il s'était mis en tête de me couvrir de cadeaux en tout genre, et d'être littéralement mon porte monnaie humain dès que j'en avais besoin, comme s'il voulait rattraper toutes ces années où nous avions été séparés. Rattraper tous ces moments où il n'avait pas pu partager avec moi les richesses de la surface.

En soi, je me fichais pas mal de son argent, même si, je devais l'avouer, c'était plutôt plaisant de pouvoir porter de belles parures, et être servie par son époux comme si j'étais la princesse de ce pays. Mais je ne voulais pas qu'il pense pouvoir racheter ces longues années d'absences grâce à ça. Et je n'en avais pas besoin de toute manières. Il me suffisait amplement et j'espérais sincèrement qu'il le sache, même si j'avais encore du mal à le lui dire.

BROKEN HEARTS Where stories live. Discover now