CHAPITRE 39

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BELLE

— On a une réunion importante, tu comptes t'habiller ?

Enfouie sous les couvertures, je regardais Livaï passer un sweat gris à manches longues après s'être douché. Il brossa ensuite soigneusement ses cheveux, puis inspecta son reflet dans le miroir durant quelques secondes avant de définitivement sortir de la salle de bain. Ce haut lui allait terriblement bien, dessinant discrètement sa musculature parfaite. Si je n'étais pas aussi épuisée psychologiquement et physiquement, et si cette réunion ne revêtait pas ce caractère « important » alors je me serais bien laissée aller à une petite partie de jambes en l'air.

— Je reste ici, répondis-je en me cachant un peu plus sous la couette.

Il soupira, et prit place sur le rebord du lit. Sa paume glissa lentement sur le haut de ma tête, à plusieurs reprises, dans un geste doux et affectif.

— Tu as encore mal ? S'inquiétât-il en référence à mes mains bandées, dont presque tous les os avaient été brisés durant cet affrontement contre le titan féminin.

Je tentais de bouger mes doigts, ce qui m'arracha une grimace de douleur. Comme si un feu consumait ma chair, de façon constante, je pouvais à peine remuer les mains. Les gestes simples du quotidien étaient devenus un calvaire. Si Livaï ne m'assistait pas dans tout, je ne serais plus qu'une pauvre fille crade et affamée.

— Je vais bien finir pas me régénérer, tentais-je de me convaincre plus moi-même que lui.

J'aurais dû être guérie depuis longtemps déjà. Plusieurs jours s'étaient écoulés depuis la dernière expédition, et pour autant, les blessures ne guérissaient pas, de la simple éraflure, à ces os broyés.

— Lorsque tu iras mieux là dedans, dit-il en déposant le bout de son index sur ma tempe, alors tu pourras certainement guérir. Rappelle-toi de ce que t'as dis Hansi, sans détermination, tu n'arrives plus à rien.

Je haussais des épaules en simple réponse. Oui, il avait certainement raison. Mais je n'avais aucune fichue idée de la façon dont je devais retrouver cette détermination. Je n'avais plus foi en ce corps de l'armée qui m'avait promis monts et merveilles.

La liberté. Tu parles.

La liberté de regarder ses camarades crever sans pouvoir agir, ouais. 

Les images des corps démembrés et sans vie de mes compagnons tournaient en boucle dans ma tête, hantaient mes nuits et nourrissaient mes cauchemars. Je ne savais plus pour quoi je combattais, pour qui je le faisais. Venir à bout des titans m'avait paru être une quête honorable, mais maintenant que j'avais pu être témoin de la réalité du terrain, je n'en étais plus certaine.
Des adolescents qui avaient à peine vécu avaient servi de « ralentisseur » sur la route du titan féminin, comme de vulgaires jouets que nous avions dispersés derrière nous pour détourner son attention le temps de quelques secondes.

Était-ce donc ça, le bataillon d'exploration ?

Envoyer les plus jeunes se faire écrabouiller pour permettre aux vétérans de récolter tous les lauriers ?

Peut être que je mélangeais tout. Peut être que les hauts gradés ne supportaient plus de voir autant de vie gâchés, eux non plus.

BROKEN HEARTS Where stories live. Discover now