CHAPITRE 9

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- PDV LIVAÏ -

Hansi la maintenait, une main derrière son dos, pour l'aider à marcher. De larges traits rouges, ensanglantés, traversaient ses bras et ses jambes. Elle avait l'air épuisée, encore plus maigre que lors de nos retrouvailles et ses cheveux en bataille étaient ramenés à l'arrière de son crâne dans un chignon approximatif. Elle fut enchaînée à un poteau, comme un vulgaire animal, agenouillée sur le sol, face au général qui venait de prendre place.

Je crevais d'envie de la rejoindre, de la serrer contre moi pour lui dire que tout irait bien. Que plus personne ne lui ferait de mal. Mais j'en avais pas le droit. Je devais rester bien sagement derrière ces rambardes de bois, à attendre que le juge délivre sa sentence pour prendre la parole et l'empêcher de mourir.

La voir dans cet état mettait mon fort intérieur à feu et à sang. Elle était si précieuse, si fragile. Et elle avait l'air brisée par la vie. Je le voyais sur son visage, dénué d'émotions, qu'elle avait traversé des choses horribles et qu'elle ne s'en était jamais remise. Qu'avait-il bien pu se passer ces presque six dernières années ? Pourquoi la Belle heureuse et toujours souriante avait-elle disparue ?

Je sursautais lorsque le marteau de Zackley rencontra son socle. Hansi venait de nous rejoindre et j'attrapais son bras, avide de connaître les responsables de l'état de ma femme.

- Qui lui a fait ça ? Chuchotais-je d'un ton énervé, ses bras, et ses jambes !
- Elle s'est mutilée, Livaï, personne ne lui a fait ça, répondit-elle, à voix basse.
- Pourquoi elle ferait une chose pareille ? Renchérissais-je, incompréhensif.
- Elle ne supportait plus la crasse, je crois qu'elle est comme toi.

Je comprenais très bien où elle voulait en venir, sans même mettre des mots précis dessus.

Comme moi.

Comme le fou maniaque que j'étais depuis toujours. Je savais qu'elle avait finis par se plier à mes exigences en terme de propreté, lorsque nous vivions dans les bas fonds, et qu'elle avait même adopté cette façon de vivre plutôt facilement. Mais elle était visiblement devenue intolérable à la saleté, et je ne pouvais m'empêcher de m'en vouloir. Si je n'avais pas été aussi à cheval sur l'hygiène, peut être qu'elle aurait mieux supporter sa cellule, et qu'elle n'aurais jamais infligé ça à sa peau.

J'étais un putain de connard.

Ma femme souffrait à cause de moi. Je l'avais abandonnée parce que j'avais pas été capable de retourner là bas pour m'assurer que sa mort était réelle. J'avais pas été foutu d'assumer mon rôle d'époux, de prendre soin d'elle et de lui sauver la vie.

Elle était vivante, et pourtant elle avait l'air d'être morte à l'intérieur. Son regard était vide. Dénué de cette âme fabuleuse qui l'habitait autrefois.

- Général Daris Zackley, je présiderai cette audience sous le régime de la court Martial. Déclinez votre identité, mademoiselle.
- Je m'appelle Belle, déclarais-elle, la voix blanche.
- Nom de famille ?
- Aucun.
- Aucune famille ?
- Aucune.

Mon cœur loupa un battement. Et peut être même un deuxième.

Aucune famille.

Je ne représentais plus rien pour elle. Elle avait répondu si vite, si naturellement que ça ne pouvait pas être un mensonge. Qu'elle n'avait pas dis ça juste pour me blesser.

Elle le pensait.

Mon estomac se tordit, une boule noua ma gorge et j'eus presque envie de vomir. Je ne pouvais pas accepter qu'elle m'oublie. Qu'elle tire un trait sur notre mariage. Aucune femme n'avait attiré mon attention depuis sa présumée mort, aucun autre visage ne méritait que je l'admire. Aucun autre corps n'avait foulé mes draps et aucun autre cœur que le sien détenait la clé du mien. Je lui appartenais. Entièrement. Irrémédiablement. Sans concessions. Et je n'accepterais jamais qu'elle passe à autre chose.

BROKEN HEARTS Where stories live. Discover now