CHAPITRE 19

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- PDV LIVAÏ -

- Tu vas emprunter ce couloir là, indiquais-je à Belle en pointant du bout de ma lame une allée naturellement formée par deux rangées d'arbres, quatre titans en bois apparaîtront de manière aléatoire. Tu auras une certaine distance entre chacun d'entre eux, donc prends ton temps pour...
- C'est bon, me coupa-t-elle, c'est compris !

Je l'attrapai par le bras alors qu'elle s'apprêtait déjà à enclencher son gaz.

- Arrête de vouloir allez trop vite. Quelle partie de leur corps dois-tu trancher ?
- La nuque, caporal-chef ! S'exclama-t-elle, un sourire idiot sur les lèvres.

Mes lèvres pincées l'une contre l'autre, je me contenais un maximum pour ne pas lui sourire en retour, entouré de l'escouade et d'Hansi qui ne manqueraient pas de le remarquer. Il était hors de question que je perde en crédibilité à cause de cette insolente.

- Très bien, je te donne trois minutes pour tous les abattre.
- Trois minutes ? Murmura Hansi à mon oreille, elle n'y arrivera jamais.

Je ne répondis pas, la laissant apprécier les capacités de ma femme sur le terrain. Elle n'avait jamais effectué ce genre d'exercice, et pourtant j'étais certain qu'elle était meilleure que l'escouade toute entière, sur entraînée depuis cinq ans déjà.

Les lames maintenues fermement au creux de ses petites paumes, elle fit tournoyer leur manches pour placer ses épées vers le bas, exactement comme je le faisais, et je ne pu réprimer un sourire en coin, ravi qu'elle n'ait pas perdu toutes les méthodes de combat que je lui avais apprise. Je ne savais pas vraiment ce qui me poussait à maintenir n'importe quel manche de cette manière, ni même pourquoi j'avais insisté pendant plusieurs années pour que Belle se plie à cette manière très peu commune, mais ça avait toujours porté ses fruits, et c'était le principal.

Le petit crissement du gaz qui s'échappait des bouteilles retentit, et Belle s'élança dans les airs, envoyant ses grappins dans le premier arbre qui bordait le couloir dans lequel elle s'enfonça à une vitesse vertigineuse. Des échos de son rire cristallin nous parvinrent, alors qu'elle s'était déjà éclipsée dans la forêt.

Je ne pus m'empêcher de repenser à notre conversation de la veille, et alors mon estomac se noua à la simple idée qu'elle est voulu en finir, un jour. À cet instant précis, le bonheur rayonnait sur son visage, et il me semblait presque irréel que quelques années en arrière, Belle souhaitait mourir. Je n'avais jamais vraiment mesuré le poids de ses mots lorsqu'elle m'avait expliqué à quel point la mort de notre enfant l'avait détruite. À quel point son absence meurtrissait son existence. Et tout avait fait soudainement sens lorsqu'elle m'avait avoué n'être jamais sortie en dehors des murs de l'hôpital. Notre rêve se résumait à la liberté, à la découverte de ce monde à ciel ouvert. Nous ne parlions que de ça, à longueur de temps. Et alors qu'elle avait enfin eut la possibilité d'apprécier la nature, l'air pur, et toutes ces magnifiques choses que le monde nous offrait sur un plateau d'or, Belle n'avait plus eut le cœur à partir à l'aventure. Elle s'était éteinte, et ses rêves aussi. Elle avait délibérément sacrifié cette liberté dans l'espoir de mourir rapidement, et mon cœur volait en éclats à la simple pensée que des idées aussi sombres aient pu lui traverser l'esprit.

Évidemment, j'avais, moi aussi, beaucoup pensé à la mort. J'avais tellement souffert de leur absence, tellement souffert de les avoir perdu tous les trois que j'étais certain d'avoir trouvé le seul et meilleur échappatoire possible : mettre fin à mon existence. Puis ma vie avait pris un autre tournant. Erwin m'avait offert une promotion, les gamins me suivaient depuis leur 16 ans environ et j'avais finis par me mettre à leur parler comme s'ils étaient mes propres gosses. J'étais attaché à eux, bien plus que je ne voulais le prétendre, et quelque part, ils m'avaient permis de refouler cette irrépressible envie de passer l'arme à gauche.

BROKEN HEARTS Where stories live. Discover now