L'Armure du dernier Dragon [INTÉGRALE]

XX- Monter sur le dos d'un Dragon

Aeria entre dans son bain délicatement, grimaçant. La fumée qui s'en élève lui indique que l'eau est bouillante, pour son plus grand bonheur. Il lui est difficile d'y mettre son corps car celui-ci est couvert de bleus, de marques, d'hématomes plus ou moins gros... ses muscles sont traumatisés par tous ses efforts ces derniers jours.

Elle laisse sa tête en arrière, posée contre le rebord de la baignoire et ferme les yeux tout en poussant un profond soupir.

Le silence dans la pièce la réconforte et l'apaise , il n'y a que les ronronnements de Flocon qui viennent le perturber.

Elle s'est entraînée  des jours durant, ceux-ci furent difficiles, éprouvants, épuisants aussi bien moralement que physiquement. Cependant, elle a tenu bon, elle se relevait chaque fois qu'elle tombait, elle ne versait ses larmes que le soir au coucher, lorsque personne ne pouvait la voir et le lendemain, elle recommençait, encore et encore.

Aujourd'hui, Aeria manie mieux l'épée que certaines personnes, bien qu'elle n'ait pas encore l'étoffe d'un chevalier, elle saura se défendre si le besoin se fait sentir. Son envie de se venger d'Alecsi, le comte d'Epinasse, ne la quitte pas, cependant, elle se doit de rester discrète et patiente.

Après son bain, Aeria passe une longue nuit durant laquelle aucun cauchemar ne vient la perturber. Elle s'abandonne aux bras de Morphée volontiers et ce, jusqu'au petit matin. Elle ne déjeune pas ce jour là, elle s'habille chaudement et quitte le château rapidement, en laissant un mot à Nathanael sur son bureau, lequel indique : « Je suis partie à la Montagne du Trépas, retrouvons-nous ce soir, dans la cour intérieure pour l'entraînement.
~ Aeria. »

La voilà qui chevauche Etoile, les cheveux au vent, les joues rosies, le visage fouetté par le vent et ce sentiment de liberté de nouveau en elle. Cependant, elle n'a plus envie de quitter Les Landes. Bizarrement, plus les jours passent et plus elle a envie d'y rester, de continuer à en apprendre davantage sur Nathanael et à se réchauffer près du feu, le soir, après une fatigante journée.

Elle attache Étoile au même arbre qu'auparavant, se munit du sac dans lequel se trouvent quelques rats morts et avance dans la forêt, près de l'entrée de la grotte. Une légère brume perturbe le paysage, le rendant plus grisonnant néanmoins apaisant. L'hiver s'installe rudement, Les Landes sont tout autant touchées que les autres Terres, ici, la nature ne meurt pas en hiver et ne revit pas au printemps. Plus aucune nature ne demeure.

Aeria pose le sac au sol et l'ouvre, afin que l'odeur soit odorante à des kilomètres.

— Ô grand et majestueux Dragon, toi mon héros, puissant et unique...

Un rugissement lui dresse les poils. Aeria se tait, lève la tête et aperçoit une masse noire la survoler. Celle-ci frôle les arbres morts qui se couchent presque sous la puissance du vent qu'émettent ses grandes ailes triangulaires. Aeria pose un genou à terre, fixe le sol et sent que la bête se pose non loin d'elle. Lorsqu'elle relève la tete, la créature a baissé sa gueule à sa hauteur et l'observe de ses yeux dorés, quelques mètres plus loin.

— Que tu es beau... souffle Aeria.

Le Dragon souffle par ses naseaux une fumée épaisse et brûlante qui réchauffe le corps frigorifié de la jeune femme. Elle se redresse et plonge sa main dans le sac. Elle en sort un rat qu'elle lui tend, toujours de cette façon indiquée par Nathanael, la main libre vers le bas, doigts écartés, jambes fléchies... Elle s'approche lentement, le bras en avant, le rat au bout de celui-ci.

— C'est pour toi... magnifique créature... marmonne-t-elle.

Elle jette le rat en l'air, en l'espace de quelques secondes, le Dragon ouvre sa gueule et le gobe, de la fumée en sort lorsqu'il claque ses mâchoires juste devant Aeria. Elle sourit légèrement puis vide le sac sur le sol, quelques autres rats et souris s'y trouvent. Le Dragon s'avance alors vers elle et commence à sentir le repas qu'elle lui a apporté. Ainsi, Aeria peut toucher sa peau brûlante, parcourir ses écailles, sans que ce dernier ne prenne la fuite.