XXII - Le Cauchemar

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— Esprits du Ciel, venez à moi. Esprits de la Terre, écoutez-moi... Entendez mon appel, aidez-moi à trouver la voie et à ne plus jamais avoir peur du noir...

Des bougies allumées aux quatre coins de la pièce, la jeune femme se tenait agenouillée devant deux d'entre elles. Les mains jointes, les yeux fermés, les lèvres pincées, elle récitait sa prière comme tous les soirs.

Ce soir là, elle était davantage tourmentée. Elle s'était réfugiée dans une chaumière isolée, ne disposant que d'une seule pièce. La bâtisse était en bois, une table et un couffin en osier où reposait son bébé servaient de mobilier.

Lorsqu'elle entendit des bruits de pas à l'extérieur, elle comprit tout de suite ce qui l'attendait. Elle se releva aussitôt et s'empressa de prendre son bébé dans ses bras. Elle le berça doucement, tout en lui murmurant une chanson alors que la porte sauta sur ses gonds lorsqu'on frappa à celle-ci.

— Ouvres la porte ! Nous savons que tu te terres ici !

Son coeur se mit à battre rapidement, elle baissa la tête pour observer son bébé de quelques semaines seulement. Elle lui sourit légèrement, les larmes au bord des yeux. Elle sursauta et son enfant se mit à s'égosiller lorsque la porte fut enfoncée. Avec le courant d'air, les bougies s'éteignirent toutes en même temps, les plongeant dans le noir complet. Son souffle saccadé, assourdie par les pleurs de son enfant, la jeune femme était désarmée.

Elle poussa un hurlement lorsqu'on lui arracha l'enfant des bras puis tomba en avant dû à la violence dont l'individu fit preuve pour la privée de sa progéniture.

— NON ! hurla-t-elle. Rendez-moi mon bébé !

— Au bûcher la sorcière !

On la releva brusquement pour la tirer hors de la demeure.

— Mon bébé ! sanglotait-elle en se débattant, laissez lui la vie sauve, je vous en conjure !


Dans ce cauchemar, seules des bribes étaient visibles, comme de vagues souvenirs, douloureux et violents mais parfois bien trop vides.


Les bras, les jambes et le torse ligotés à un poteau, la jeune femme ne pouvait plus bouger. En dessous, un bûcher avait été mis en place, il n'avait pas pris feu encore mais cela ne tarderait guère. Lorsqu'on lui retira le sac qu'on lui avait mis sur la tête, elle put distinguer tous les villageois qui s'étaient rassemblés pour assister à son exécution. Ses larmes roulaient sur ses joues, comme de petits cristaux salés, son corps entier était pris de soubresauts dû à sa peine.

— Mon bébé... marmonnait-elle, où est mon bébé...

— Quelles sont tes dernières paroles ? Dis-les haut et fort pour que tout le monde t'entende ! déclara son bourreau, celui qui tenait le flambeau.

Ce même flambeau qui servirait à lui ôter la vie, sans ménagement, avec cruauté et souffrance. Elle renifla, ses longs cheveux roux ébouriffés, ses beaux yeux dorés noyés dans des larmes brûlantes. Son visage était parsemé de petites tâches de rousseurs, le plus étonnant, c'est qu'elles ressemblaient à de tout petits diamants dorés, comme les écailles d'un minuscule dragon. Sa beauté était sans égal, époustouflante et fascinante.

— Je ne suis pas une sorcière ! Balbutia-t-elle le coeur martelant sa poitrine. Je... je vous ai apporté le Feu ! Je suis venue vous aider ! J'ai répondu à vos prières ! Je ne suis pas... je ne suis pas...

Elle baissa la tête sans prendre la peine de terminer son discours, ferma les paupières aussi fort qu'elle le put, les lèvres pincées. Ses larmes coulèrent et atterrirent sur les copeaux de bois en contre bas. À leur contact, ils s'enflammèrent aussitôt, ce qui valut des cris de surprise de la part des spectateurs. La jeune femme sentit alors la chaleur chatouiller la plante de ses pieds et plus les secondes passaient, plus celle-ci s'intensifiait et s'allongeait sur l'entièreté de son corps. Comme une maladie, la chaleur, bien qu'invisible, brûlerait sa peau, la ferait fondre sur ses os, dans une douleur que personne ne souhaiterait jamais expérimenter.

L'Armure du dernier Dragon [INTÉGRALE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant