XVII - La mort

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— LÂCHEZ-MOI ! hurlait Aeria en se débattant.

Deux soldats l'emmenèrent plus loin, près du fleuve, là où le courant était violent, puissant, effréné et traversait la ville pour la scinder en deux. Ils la jetèrent sur les pavés, le dos d'Aeria heurta violemment le sol, ce qui lui coupa la respiration un instant et l'arrière de sa tête ne fut guère épargnée dans sa chute, entraînant un sifflement insupportable dans ses oreilles.

Elle se retourna lentement sur le ventre, difficilement, la vue trouble le temps de quelques instants et put constater, dans la rue adjacente, des corps inertes et une mare de sang. Elle comprit alors que le peuple d'Epinasse avait été massacré par le roi des Six Terres suite au serment passé avec ce dernier. Elle avait échoué, elle avait la mort de centaines de milliers d'innocents sur la conscience.

— Par tous les Saints... souffla-t-elle.

Par la suite, un soldat la tira par les chevilles, Aeria parvint à retirer l'un de ses pieds de son étreinte et lui asséna un coup de pied dans la jambe. Le soldat recula d'un pas tout en grognant, l'autre se chargea d'elle aussitôt en la frappant d' un coup de pied dans le ventre. Aeria se recroquevilla, le souffle coupé, les mâchoires serrées.

Elle ouvrit grand les yeux et poussa un grognement lorsqu'on lui saisit une poignée de cheveux pour la redresser. Le soldat la tint contre lui, son bras entourant de son cou trop fin, il serra son étreinte, afin de la priver d'air. Aeria entrouvrit la bouche, sur la pointe des pieds, elle s'accrocha à son armure pour tenter de lui faire desserrer sa prise, en vain. Le second dégaina son épée qu'il pointa vers elle.

— Pitié... balbutia-t-elle.

— Le roi n'a pas de pitié, rétorqua le soldat.

— Mais vous... ? souffla-t-elle.

— Tais-toi, grogna le bougre qui l'étouffait.

Le soldat face à elle sembla hésiter un instant. Sous son casque, Aeria descella des yeux jeunes, trop jeunes pour massacrer une Terre entière. Ce jeune homme ne se remettrait jamais de ses actes et peut-être également de celui qu'il s'apprêtait à commettre.

— Je suis navré, je n'ai point le choix, rétorqua-t-il.

Aeria n'eut le temps de rétorquer quoi que ce soit, la lame du jeune soldat s'enfonça brusquement dans son ventre. Elle ouvrit la bouche, un souffle saccadé en sortit, du sang monta dans sa gorge, goutta de ses lèvres au moment où le soldat retira son arme de sa plaie. Celui qui la maintenait debout jusqu'alors la lâcha et la poussa en avant, Aeria tomba aussitôt sur ses deux genoux. Elle posa une main sur le sol et la seconde sur sa plaie qui ne cessait de saigner.

Elle tenta d'avancer à quatre pattes, cependant, elle sentit qu'on appuya une semelle sur ses lombaires douloureux. Elle grimaça, la tête à plat sur les pavés, son sang se déversant lentement sur le sol d'Epinasse pour bientôt se mêler aux autres victimes du roi.

Son souffle devint de plus en plus sifflant, son teint vira au blanc, ses yeux se cernèrent à mesure qu'elle perdait du sang. Elle sentit qu'on lui saisit les bras pour la relever, elle poussa un gémissement de douleur et sans prévenir, on la jeta dans le fleuve, là où le courant était puissant, et ne semblait qu'attendre une nouvelle proie à engloutir.

Elle but la tasse à plusieurs reprises, tenta de remonter à la surface et lorsqu'elle le faisait, son corps se cognait dans les rochers, dans les morceaux de bois qui ressortaient. Elle serrait les dents, poussait des grognements puis sa tête s'immergeait de nouveau sous l'eau. Aeria s'essaya à plusieurs reprises de trouver une accroche pour faire cesser cette torture, mais lorsqu'elle parvenait à s'accrocher quelque part, à des racines ou des pierres, ses mains finissaient par glisser par manque de force.

L'Armure du dernier Dragon [INTÉGRALE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant