VI - Lauan

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Aeria fut escortée par Kaïs jusque dans les appartements du roi. Il avait droit à une chambre gigantesque, avec le plus grand lit du château, une magnifique peinture rouge sur les murs. Les plafonds étaient, eux aussi, peints et plusieurs arabesques. Deux grandes fenêtres permettaient à la pièce d'être éclairée par la lumière du soleil qui pointait droit sur celles-ci. Il avait une garde-robe personnelle, avec de quoi se laver sans craindre de ne jamais manquer de rien.

— Merci, grommela le roi dos à eux observant les convives par la fenêtre. Vous pouvez nous laisser, Kaïs.

Ce dernier quitta la pièce et referma la porte derrière lui. Aeria croisa ses mains devant son bassin, releva le menton et ne cilla point. Le roi restait dos à elle, appuyé sur un sceptre aux dorures généreuses. Elle repensait encore à la conversation avec Amélia, au fait que cette dernière accédait aux souvenirs de Thearsis. Elle savait son mari monstrueux mais continuait de croire en une possible rédemption. Pour Aeria, Lauan était l'assassin de son père, et le bourreau d'Epinasse tout entier en plus d'être la cause du sacrifice de son Dragon.

— Je n'ai jamais cru en votre mort, affirma Lauan de sa lourde voix. Je savais que vous reviendriez, comme à chaque fois et je savais que nos chemins se croiseraient de nouveau.

Aeria demeura muette, alors Lauan se retourna vers elle. Il n'avait plus une seule cicatrice sur le visage. C'était un homme nouveau. Il arborait un visage d'un quarantenaire, bien conservé, en forme, bel homme. Ses yeux noisettes étaient perçants, ses mâchoires carrées. Il était grand, sa musculature était moins importante que celle de son fils, cependant Lauan faisait preuve d'une grande cruauté.

— Pouvez-vous me dire, qui est ce Kaïs ? demanda-t-il finalement.

Il se dirigea vers une petite table sur laquelle était posée une carafe de vin et deux verres qu'il remplit. Il en tendit un à Aeria, qu'elle prit d'un geste lent. Elle observait le roi, silencieuse, perplexe.

— N'avez-vous pas fait connaissance avec lui ? s'étonna-t-elle.

— Il m'a effectivement expliqué son acte envers le Duc Dautremont, cependant... je peine à croire qu'il a fait cela dans le simple but d'abréger les souffrances de ce bougre. Je me disais que vous en sauriez davantage sur lui, puisque vous semblez amis tous les deux.

Aeria haussa les sourcils et but une gorgée de son vin, Lauan l'imita sans la lâcher du regard.

— Il a les mêmes cheveux que vous... je trouve cela perturbant. Je vous croyais unique.

— Il faut croire que vous faisiez erreur... soupira-t-elle.

— Je n'ai pas le temps pour ces sottises, Aeria. Qui est Kaïs ?

— J'aimerais vous dire que je le sais, cependant... je ne connais rien de lui.

— D'où vient-il ?

Aeria haussa les épaules. Lauan serra les mâchoires et termina son verre d'une traite. Il le posa par la suite sur la table et inspira profondément, probablement pour se calmer.

— Je vois que votre femme est revenue d'entre les morts, poursuivit Aeria pour changer de sujet.

Il releva ses yeux vers elle, les lèvres retroussés. Lauan était différent sans ces cicatrices mais ses yeux restaient sournois. Il avait toujours l'air d'un monstre.

— Le Dragon doré fut très généreux, avoua-t-il en relevant le menton. Il m'a offert la guérison, je me retrouve alors avec un visage tout neuf et une femme. Ma femme.

— Alors c'était pour cela ? Uniquement pour cela ? souffla Aeria les jambes flageolantes.

Lauan mit un temps avant de répondre, finalement, il hocha la tête, comme une évidence. Elle se sentit mal, une bouffée de chaleur l'envahit. Sa peine. Elle était si grande, si éprouvante. Survivre à l'auto-destruction n'était pas sans conséquences. Elle vivrait, toute sa vie, avec cette blessure.

L'Armure du dernier Dragon [INTÉGRALE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant