XXXIII - Le nouveau roi des Six Terres

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Harold rejoignit Filërys alors que le feu détruisait le palais d'Hazanel, là où plusieurs descendances de Lauan Astassard avaient vécues.

L'ancien écuyer posa sa main tremblante sur la gueule de la bête, amochée, épuisée par son combat. Il ne tarda pas à être intéressé par les deux Dragons qui prirent leur envol, Chaos et Hystërys volèrent à toute vitesse, ils tournèrent autour de la plus haute tour du château, partiellement détruite, puis disparurent rapidement derrière les nuages gris. L'orage ne grondait plus, il pleuvait très peu mais le soleil ne revenait pas.

— Tu dois te lever et aider Anastasia et Natanaël, je t'en prie... souffla Harold.

La pauvre bête était mal en point. Filërys était le plus petit Dragon des trois, Chaos avait quelques blessures mais rien qui l'empêchait de voler ou de se remettre debout. Quant à Hystërys, malgré son état inquiétant, il tenait bon. 

— Allez ! Lèves-toi ou ton Dragonnier mourra et toi avec... Nous avons suffisamment soufferts. 

Harold avait préféré laisser partir Aeria et se concentrer sur ses deux amis ainsi que sur le Dragon. Il venait de faire un choix et peut-être que Natanaël lui en voudrait, cependant, il l'assumerait.  Avec les encouragements d'Harold, Filërys appuya sur ses pattes dont l'une de ses griffes avait été arrachée. Il se releva, déterminé à sauver son Dragonnier des flammes impitoyables qui réduisaient en poussière tout un château. Il avança, titubant, en direction de la demeure. Harold trottinait à côté de lui.

— Oui ! C'est super ! s'exclama-t-il.

Alors que la créature s'attela à ôter tous les gravats qui bloquaient l'entrée suite à l'effondrement des poutres avant de la demeure, des villageois d'Hazanel rejoignaient tout juste la cour du château, pour ainsi observer ce qui était en train de se passer. Où était le roi qui terrorisait son peuple, où était passé le Dragon qui avait détruit le palais ? Quelques parties d'Hazanel brûlaient, Hystërys n'avait pas manqué de faire goûter la chaleur de ses flammes aux pauvres innocents dans leurs maisons.

Alors, le peuple de la Terre d'Hazanel observa, inquiet, intrigué voire même fasciné, le Dragon se démener pour libérer la voie à deux de ses alliés. Il grattait avec ses pattes, tirait des pierres qu'il prenait dans sa gueule puis finalement, sous un nuage de fumée, ils purent apercevoir Anastasia soutenir Natanaël.

Tous les deux étaient couverts de suie, ils toussaient, leurs poumons avaient été empoisonné par la fumée omniprésente dans la demeure mais ils étaient en vie. Natanaël avait été bloqué par l'effondrement, les pierres l'avaient littéralement écrasé cependant avec l'Armure du Dragon en sa possession, ses os, ses organes, tout son corps furent protégés malgré la violence du choc. Il arborait quelques égratignures sur le visage, néanmoins, il s'en sortait comme un miraculé.

— Où est le roi fou ?! demanda quelqu'un parmi la foule.

Harold aida Anastasia à soutenir Natanaël, encore légèrement sonné par l'invasion brutale des flammes dans la salle du trône. Toutes les fenêtres avaient explosées, les morceaux de verres les avaient violenté, puis les flammes étaient entrées, les fondations avaient cédé et la pièce s'était écroulée sur Kaïs et Natanaël.

Hystërys avait agi de la sorte simplement à l'entente du hurlement de son Dragonnier. Il avait ressenti sa douleur lorsque sa main fut coupée en deux, il avait compris sa détresse et n'avait su agir que par la violence, en abattant des flammes destructrices sur une très vieille bâtisse.

— Il s'est enfui, grommela Natanaël.

— Grâce à vous, notre peuple est enfin libéré de son emprise !

Personne ne le voyait, mais le peuple d'Hazanel vivait sous un orage constant, leurs vivres leur étaient volés par les soldats aux ordres de Kaïs, des familles avaient déjà été massacrée et certains perdaient la notion du temps, la mémoire... tous empoisonnés par le pouvoir de Kaïs et sa haine envers les Hommes.

Bientôt, les autres suivirent, leurs exclamations n'avaient rien de négatif, bien au contraire. Lorsqu'un citoyen s'avança et posa son genou à terre face aux trois camarades, le reste du peuple présent suivit et tous ployèrent le genou devant leur nouveau roi.

— Longue vie au roi des Six Terres ! s'exclama le premier homme.

Puis les autres répétèrent la même chose, tous en cœur, le genou à terre.

— Non... souffla Natanaël. Non, non...

— Bien-sûr que si, l'interrompit Harold.

— Le peuple vous a choisi, déclara Anastasia.

Malgré lui, Natanaël reprenait la place de son père et pourtant, dans son esprit, une seule chose l'importait : savoir où se trouvait Aeria et si elle allait bien. D'une certaine façon, sa fierté en avait pris un coup, notamment le fait de ne pas avoir éliminé Kaïs. Il l'avait blessé, c'est vrai, mais cela n'avait pas été suffisant pour l'arrêter.

— Où est Aeria ? Demanda Natanaël.

Il se tourna vers Harold qui affronta son sombre regard.

— Je suis désolé Natanaël, commença-t-il. Aeria voulait partir et tu étais encore sous les décombres et...

— Tu ne peux pas me dire que tu l'as laissée partir ?!

— C'était soit elle, soit toi et ton Dragon !

Juste après avoir dit cela, Filërys s'affala sur le sol tout en poussant un long grognement. Natanaël se précipita vers lui, tandis qu'Harold et Anastasia commencèrent à dissiper les foules et demander de l'aide pour éteindre l'incendie.

Le Dragon laissa sa gueule reposer sur le sol, à plat, ses yeux se fermaient lentement, puis se rouvraient lorsque Natanaël lui parlait.

— J'aimerais te soigner... souffla ce dernier. Je ne sais pas comment t'aider.

Il songea alors à l'arbre qui avait poussé sur le corps de Thearsis. Il fallait qu'il réunisse le peu de forces restantes à son Dragon pour l'amener jusqu'à cet arbre un petit peu plus bas. Filërys parvint à se relever et ensemble, ils rejoignirent le lac au dessus duquel Thearsis avait été abattue. C'est au pied de l'arbre que Filërys se coucha, il replia ses ailes sur son corps abîmé, sous l'œil attentif de son Dragonnier. 

— Je te remercie de t'être battu et je ne partirai pas d'ici tant que tu ne seras pas guéri, déclara-t-il. 

Ce fut comme si Filërys l'avait compris, un léger grognement résonna dans le fond de sa gorge puis il ferma les yeux, afin de se reposer et se régénérer le plus vite possible. Natanaël décroisa ses bras puis laissa ses épaules s'affaisser. Il portait toujours l'Armure de Filërys, elle pesait lourd, compressait tous ses muscles et malgré le fait qu'elle l'avait sauvé d'une mort certaine sous l'effondrement du château, tous ses membres étaient meurtris. Les courbatures, les hématomes... il souffrait mais était en vie et cette souffrance le lui rappelait. 

Il songea à Amélia, sa mère qu'il n'avait connu que quelques mois, un pincement au cœur puis à Thearsis. Cette étincelle dorée qui s'était envolée lui avait clairement fait comprendre que jamais plus, Thearsis ne se manifesterait sauf peut-être en cet arbre, qui semblait apaiser les maux de son Dragon. 

Il avança légèrement boiteux jusqu'à Filërys. Il s'assit non sans difficulté puis s'adossa contre son Dragon qui ouvrit un oeil en le sentant près de lui. Malgré cela, il referma ses yeux et laissa échapper de la fumée de ses naseaux, comme s'il était apaisé. Natanaël, quant à lui, ferma les yeux, dans l'espoir de trouver le repos et de se réveiller sans toutes ces douleurs, prêt à retrouver Kaïs et en finir. 

Même si on le prenait pour le nouveau roi, jamais il ne le serait tant que Dërva resterait en vie...

Et un roi a besoin de sa reine. 

L'Armure du dernier Dragon [INTÉGRALE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant