XXIX - Un homme orgueilleux

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Aeria est assise contre le mur de pierres froide, les jambes repliées contre sa poitrine. Elle a été enfermée ici plus d'une semaine auparavant, morte de froid, le vieux roi lui fait quand même porter à manger, afin qu'elle ne meurt pas de faim.

Elle a cessé de crier, de frapper la porte d'acier de son pied ou de tirer sur les barreaux, elle a compris que cela ne servait à rien.

Aujourd'hui, alors qu'elle demeure perdue dans ses pensées, à savoir pourquoi le Dragon a-t-il pris la fuite de la sorte, elle entend des bruits de pas dans les couloirs des cachots. Il y a quelques malfrats qu'elle peut entendre geindre quelques fois, rien de bien fantastique pour lui permettre de ne pas se terrer dans la solitude.

Elle relève la tête de ses bras lorsqu'un homme se poste face à la porte de sa prison. C'est Lauan, le véritable, le père de Natanaël. Sa barbe rasée de près, ses cheveux parfaitement plaqués en arrière, l'un de ses yeux est blanc, la cicatrice le coupe en deux et visiblement, son oeil n'y a pas réchappé.

— Vous devez être Aeria, souffle-t-il de sa lourde voix.

Cette dernière ne répond pas, elle repose sa tête sur ses bras et fixe un point devant elle.

— Je suis navré que vous ayez été enfermée, reprend-il en enfonçant la clé dans la serrure.

Aeria ne cille pas, elle peut entendre la porte grincer sur ses gonds.

— Vous êtes libre, Aeria.

Elle relève les yeux vers lui, des yeux qui envoient des éclairs. Lauan hausse les sourcils et recule d'un pas, afin de lui laisser la place de passer. Il est vêtu comme un roi, une cape en peau de bête sur les épaules. La jeune femme décide de se lever, elle passe à côté de lui, les bras croisés, sans daigner le regarder. Elle n'a guère apprécié le traitement dont elle a bénéficié. Être traitée comme une criminelle ou une fugitive n'est pas très bien vu et le pire dans tout cela, c'est que son ami Harold ne lui a pas rendu visite une seule fois.

— Remontons, il fait bien meilleur au sein du château, déclare Lauan.

Aeria le suit dans les escaliers serrés des cachots et ils regagnent rapidement la bâtisse, là où toutes les cheminées tournent à plein régime. Lauan s'assoit sur le trône, la salle est vide, pas de reine, pas de main du roi, pas de valets... Aeria reste en retrait, face au trône trois marches plus bas. Elle l'observe s'installer, tout en se mordillant les peaux mortes de ses lèvres sèches.

— J'ai été couronné mardi dernier, reprend le roi.

— Magnifique, peste Aeria. Et où est votre petit fils ? Celui qui m'a faite enfermée comme si je n'étais rien d'autre qu'un vulgaire objet ? Je tiens à vous rappeler que c'est grâce à moi que vous vous tenez sur le trône aujourd'hui, il n'a pas daigné me remercier.

Lauan, le coude apposé sur l'accoudoir du trône doré, frotte ses doigts entre eux tout en penchant la tête sur le côté.

— Le roi est mort. Enfin, mon petit fils est mort.

La jeune femme demeure silencieuse, elle laisse ses épaules s'affaisser, il est drôle de penser que le roi soit mort si rapidement mais il était vieux et malade, la vie pouvait s'arrêter à tout moment pour lui.

— Assez ironique, n'est-ce pas ? Reprend le roi.

Elle reporte son attention sur lui et l'interroge du regard.

— Je suis vieux de plus de cent ans, mon fils et mon petit fils sont morts, et moi... je suis encore là, pas si vieux que ça, à régner de nouveau sur les Cinq Terres.

L'Armure du dernier Dragon [INTÉGRALE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant