XV - L'éclosion

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Aeria n'eut d'autres choix que de rester auprès de Lauan dans Les Landes. Ce dernier ne souhaitait aucunement laisser Thearsis avec son bébé, seule. C'était assez fascinant que de voir le Dragon protéger son œuf de la sorte, même Aeria n'avait guère le droit de l'approcher. Thearsis le couvait la plupart du temps, elle dormait, couchée au beau milieu de la cour avant du château, son œuf couvert par ses ailes et réchauffé par son corps brûlant. Ainsi, l'œuf pouvait être couvé correctement et par la chaleur, l'embryon se développait avec sécurité.

Le château ayant été vidé de fond en comble, ils dormaient dans des tentes, sur des paillasses peu confortables. Heureusement, l'hiver s'achevait et le printemps venait, lentement, réchauffer le cœur des soldats. Bon nombre d'entre eux eurent le droit de prendre congés et retrouver leurs familles, après un an de recherche, sans pouvoir contacter leurs proches. Il ne restait plus que quelques gardes, le roi et Aeria.

Allongée sur sa paillasse, un soir, Aeria lisait un livre sur les Dragons qu'elle avait retrouvé dans le vieux bureau de Natanaël. Elle feuilletait les pages, lisait quelques textes, ne pouvant s'empêcher de se dire que ces mots venaient bien de son époux, ou ex-époux, elle ne savait plus vraiment comment l'appeler et avait bien compris que Natanaël, malgré toute sa réserve, lui en voulait pour ses actes et ses choix. En tout cas, Aeria espérait qu'il soit en paix, reposé et en forme, loin d'ici, en sécurité, avec les deux autres œufs de Dragon. Elle n'était pas sotte au point de croire que ces œufs avaient été volé par quelqu'un d'ordinaire, seul Natanaël savait leur cachette, par mégarde, il avait dût en laisser tomber un.

— Où que tu sois, je te souhaite de trouver ta rédemption... souffla-t-elle à voix basse.

Elle tourna une nouvelle page, une feuille pliée en quatre en tomba. Elle posa le livre sur sa poitrine et saisit la feuille qu'elle déplia soigneusement. Avec la bougie près de son lit, Aeria pouvait distinguer les écriteaux. Elle plissa les paupières et en lut le contenu du papier.

« Le jour où vous trouverez ces quelques mots, peut-être serais-je mort, peut-être serais-je prisonnier. Je tenais à vous confier ces quelques mots, afin de libérer ma conscience. Oui, je suis bien cet homme que vous craigniez d'épouser. Ce roi cruel, sans cœur et destructeur. Je suis bien ce Dragonnier, impulsif et aveugle qui a causé la perte de cinq Dragons et quatre splendides Dragonniers. J'ai vécu de nombreuses années dans les remords et les regrets. Aujourd'hui encore, lorsque je couche ces mots sur le papier, je suis étouffé par ma culpabilité mais je tenais à vous dire, que grâce à vous, le temps de quelques semaines, j'ai retrouvé une part de mon humanité, celle que j'avais enfouie très loin en moi. La seule personne à ce jour qui savait la faire ressortir était Hervos et, après vous avoir épousé, après avoir appris à vous connaître, après m'être rapproché de vous, j'ai appris à me laisser vivre quelques instants. C'est comme si j'avais de nouveau senti mon corps battre, comme si j'étais de nouveau un homme, ordinaire et parfois vulnérable. Si j'ai caché cette lettre dans ce livre, c'est pour une bonne raison. Je savais qu'un jour ou l'autre, il tomberait entre vos mains et que cette lettre serait lue par vos soins.

À l'heure où j'écris ces mots, vous êtes déjà partie, vous m'en voulez pour ce que Harold vous a appris et probablement faites-vous le mauvais choix mais je ne suis personne pour vous dire quoi faire. Je vous en veux mais je vous remercie également, d'avoir pu faire de moi, un homme vulnérable, en votre présence.
Pour ceci, je ne vous oublierai jamais. Prenez soin de vous, soin de vos proches et éloignez-vous des Dragons tant que vous le pouvez encore.

Avec tout mon respect,
Natanaël, votre époux. »

Sans qu'il n'y ait de nom inscrit sur la lettre, Aeria savait pertinemment que ces mots lui étaient adressés. Elle colla la feuille contre sa poitrine, fixa le plafond, les yeux embués de larmes, le Coeur battant la chamade. Il lui manquait, c'est vrai. Il n'y avait pas un jour durant lequel ses pensées ne se tournaient pas vers Natanaël.

L'Armure du dernier Dragon [INTÉGRALE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant