Les écorchés - Tome 2 : Seconde chance

3 - VICTOR

Un samedi de décembre :

Suite à mon annonce, concernant mon renvoi du lycée, Gabriel m'a informé que lui et Tom allaient se débrouiller pour rater quelques cours et passer le maximum de temps avec moi. Apparemment, l'assistante sociale et la flic n'étaient pas contre le fait de les couvrir.

C'était plus fort que moi, il a fallu que je fasse une blague concernant le couple lesbien qui est bien plus sympathique que toutes les autres familles d'accueil qu'ils ont pu connaître. Ensuite, les jours se sont succédé, tous plus géniaux les uns que les autres. Jeux vidéos, bières, clopes, pizzas, mes amis ont tout donné. Le reste des économies de Gabriel y est passé. Même celles de Tom (qui étaient plus importantes que je ne l'aurais pensé).

Seulement tout le monde le sait, le bonheur ne dure jamais et après une dernière soirée passée en compagnie de mes potes (Cass ne pouvait pas venir et je suis sûr qu'elle a été infernale avec son père par conséquent), samedi est arrivé. Alors avant que mon détestable oncle ne prenne la route avec sa pseudo-camionnette qui renferme le peu de meubles qu'on avait avec ma mère, je décide de faire une petite virée en voiture. Question de faire mon adieu à cette ville que je ne verrai plus.

Et bien évidemment, ma petite virée en bagnole se termine à la planque de la troupe. Parce que ce lieu est chargé de souvenirs et d'émotions et que j'ai ressenti le besoin de lui dire au revoir, à lui aussi.

Franchement, j'ai arrêté de compter le nombre fois où nous nous sommes réunis ici.

D'abord Gabriel, pour puiser un peu de force pour remonter la pente malgré les coups qu'il recevait et qui avaient tendance à le réduire à néant. Pour le septième anniversaire de la mort de ses parents, je me souviens qu'il est venu ici aussi, Tom était muet et Cassie ne savait pas vraiment quel comportement adopter.

Voir cet endroit aujourd'hui me rappelle à quel point la vie ne nous a pas épargnés.

Derrière ses airs de gamin qui ne voit rien et ne comprend rien, j'ai vite deviné que Tom souffrait plus qu'il ne le laissait croire. Le bébé du groupe n'est pas aussi dur à cuir qu'il souhaiterait paraître. Et c'est à la fois sa faiblesse et son point fort, cette sensibilité qui fait de lui une personne aimante et un artiste de dingue, même si il n'aime pas qu'on le résume ainsi.

La première fois que j'ai vraiment discuté avec Cassie, c'était ici. C'était le premier soir qu'elle traînait avec nous. Elle s'est saoulée comme jamais et au bord de la crise de nerf, elle nous a tout raconté. Son père comme unique parent. Sa mère, qui s'est barrée dès quand elle avait deux ans car celle-ci souhaitait une vie qu'apparemment sa fille, son fils et son mari allaient lui ôter. Je crois que c'est ce soir que j'ai compris qu'ils étaient ma seconde famille tous les trois.

C'est aussi ce soir-là que Tom est tombé amoureux de Cassie. Le pauvre... Ouais, je dis le pauvre car la connaissant, elle va lui en faire baver, encore et encore.

Malheureusement, ils ne sont pas là avec moi en ce moment. Je n'ai pour seule compagnie que ma caisse et une bière. En même temps, je crois que j'avais envie de faire mes adieux à notre repère en solitaire. Je voulais être en tête à tête avec ce coin au-dessus de tout.

Assis sur le capot de ma bagnole, j'observe le paysage. Le vide est facile à deviner mais cet endroit est si paisible que je crois que c'est ma cachette préférée. Je finis ma bière et secoue la tête. Ce n'était pas la meilleure que j'ai bu. L'heure tourne et la fraîcheur du mois décembre semble vouloir faire comprendre que le mois est arrivé. En effet, nous sommes le 3 aujourd'hui...

Sans oublier que je sais d'or-et-déjà que ma mère est inquiète et rien que penser à cela, ça me fait culpabiliser. Alors sentant que le capot de ma voiture a refroidi et qu'il est temps de reprendre la route, je descends. Je soupire et regarde une dernière fois ce qui s'offre à moi. Puis je remonte dans ma caisse et je prends la route.