14 - PERLE

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Un vendredi de décembre :

Alors qu'Anna se ravit d'être en week-end et fait la liste des musiques et films qu'elle va pouvoir regarder, je jette un coup d'œil à ma montre. Si je ne traine pas sur le parking et que je marche jusqu'à la ligne 14, je peux attraper le bus qui m'amènera au point de rendez-vous pour le cours de tutorat avec le nouveau.

Ouais, je peux le faire.

— Ou peut-être que je vais commencer par la comédie romantique et que je vais continuer avec la série ? Je ne sais pas encore...

— Anna, dis-je en coupant mon amie dans sa réflexion, il faut que j'y aille.

— Déjà ? Mais ton bus n'est même pas encore arrivé !

Je n'ai pas dit à mon amie que je donnais des cours au gars qui s'est fait exclure du lycée après une semaine. Premièrement car ça ne doit pas être appris au proviseur et deuxièmement parce que je ne veux pas qu'elle s'emballe.

— Cours de violon, mens-je.

Je n'aime pas raconter des bêtises, mais je trouve que ces derniers temps, je le fais souvent.

— Le conservatoire ? Mais c'est pas le mercredi normalement ?

— Non, je parle de Matthieu, il n'était pas disponible un autre jour.

Ma réponse semble convenir à Anna qui hoche la tête puis me fait la bise avant de me souhaiter un bon week-end. Je fais de même et sans plus attendre, je prends la route.

***

Si durant le trajet dans le bus, j'avais un discours tout prêt à servir dans mon esprit, lorsque je passe la porte du bâtiment de Victor, je ne sais plus trop si mon monologue est si bien que ça.

Une chose est sûre, c'est que l'immeuble est bien différent de ma maison. Pas de pelouse, pas de balcon, on dirait des cages. Des cages par dizaine. Pas très à l'aise, je m'engage dans les escaliers et regarde pour la énième fois le numéro de la porte à laquelle je dois aller toquer.

Je suis à l'heure, je dirais même que je suis en avance. L'avantage, c'est que je pourrais partir un peu plus tôt.

Je mets deux petites minutes avant d'arriver à destination. Car je ne pars pas du bon côté une fois arrivée à l'étage. Tout en me stoppant devant une porte qui n'a même pas de paillasson, je souffle un bon coup.

Allez Perle, tu peux le faire. Deux heures, c'est le temps que sa mère te paie pour lui expliquer les deux derniers jours de cours. Tu te concentres sur les leçons, tu réponds à ses questions et ensuite tu remballes, c'est facile.

Je souffle une seconde fois en remuant légèrement mes mains puis je me force à être courageuse et toque à la porte. Durant plusieurs secondes, j'en oublie même de respirer, ce qui fait que mes poumons se compriment et que je suis obligée de prendre une grande inspiration pour ne pas tomber dans les pommes.

C'est le moment que choisit le nouveau pour ouvrir la porte.

— Bonjour, lancé-je d'une voix monocorde.

D'après ses cheveux mouillés, je dirais qu'il a pris une douche il n'y a pas longtemps. Ou bien au choix, il ne se les ai pas lavés depuis une éternité.

— Salut Poil de carotte.

Je grince des dents puis me rappelle à quel point la dernière fois cette réaction l'a amusé et décide de paraître détendue.

— Je t'amène les cours d'hier et d'aujourd'hui.

Ses yeux clairs croisent les miens et je me force à maintenir le regard. Il est totalement hors de question que je lui fasse comprendre que tout cette situation me stresse. Me retrouver chez le nouveau, pour lui faire une séance de tutorat, alors qu'il a été exclu pour violence, c'est vachement inconscient de ma part. Mais mon inconscience me rapporte pas mal d'argent alors on va dire que c'est justifié.

Les écorchés - Tome 2 : Seconde chanceWhere stories live. Discover now