15 - VICTOR

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La porte fermée à clé, je lâche un grand soupir.

Eh bah, pour dire qu'on la qualifie de « génie », je trouve que Poil de carotte a mis longtemps à comprendre que je souhaitais qu'elle parte !

Saoulé par tout ce qui vient de se passer, je me laisse tomber sur mon lit et étouffe un cri de douleur lorsque mes cotes me rappellent à l'ordre. Je crois que mes exercices de la veille avec Lucie ne m'ont pas aidé. Depuis, mon corps me lance. J'ai même dû doubler ma dose d'antalgiques. Peut-être devrais-je retourner voir le toubib ?

Dans un énième soupir, je songe que si c'est pour qu'il me dise que je n'ai pas fait les exercices de respiration et que baiser n'était pas compris dans les choses autorisées cette semaine, ça ne me servira pas à grand-chose, à part m'énerver.

Parce que l'intello en avait marre de me voir glandouiller, elle m'a créé des exercices d'application sur mesure et m'a donné son adresse mail pour que je lui envoie mes réponses. Bien évidement, elle a fait tout cela pour rien car j'ai autre chose à foutre de ma vie. Seulement désormais que j'ai son mail, je me dis que je pourrais le rentrer sur des sites de cul, juste pour qu'elle reçoive des pubs salaces.

Amusé par cette réflexion, un rire m'échappe. Rire qui me vaut une nouvelle douleur aux cotes.

— Oh bordel.

En tout cas, ça lui ferait les pieds à Poil de carotte. Ouais ça ferait les pieds à celle qui s'est permis de me juger chaque fois que je manquais de m'endormir. Bon sang, c'était pas ma faute en plus !C'est elle qui endort.

Bien décidé à mettre en exécution mon plan, j'attrape mon portable et m'attrape à chercher un site porno lorsque mes yeux se posent sur un message entrant. Lucie m'a envoyé une photo. La blonde qui insultait son ex dans les couloirs de la résidence a, visiblement, bien oublié ce dernier. L'avantage, c'est que j'ai été franc dès le départ, je lui ai fait comprendre qu'elle ne serait jamais rien d'autre qu'un plan cul. Elle a répondu qu'elle ne m'avait pas imaginé autrement.

Voilà, c'était simple à dire. Peut-être devrait-elle donner des cours aux nanas qui venaient me faire chier dans mon ancien lycée ? Ouais, je parle de ces meufs qui après avoir passé quelques heures avec moi, voulaient plus alors qu'elles étaient en pleine connaissance des lignes du contrat.

Après un sourire pour le sexto qui a suivi la photo de Lucie, je passe les bras derrière la tête et malgré la nouvelle douleur qui m'attrape, je fixe mon mur dénué de photo.

Depuis que je suis ici, ma vie est insignifiante.

Finies les sorties et les beuveries à pas d'heure, je ne connais personne dans le coin. Je rectifie, il n'y a personne d'intéressant, personne à mon goût. Ouais, il y a bien Lucie, mais elle c'est un plan cul. Alors ce n'est pas vraiment une personne. Enfin, vous comprenez ce que je veux dire.

Bon OK, il y a bien ce mec un peu étrange qui m'a parlé jeudi au boulot, Arthur si je me souviens bien... Il faut dire qu'il ne faisait que parler et alors que je voulais encaisser les clients suivants, il a commencé à me raconter sa vie. Oreilles décollées, à moitié dans les vapes, probablement un type qui veut se donner un genre, il ne m'a pas paru trop détestable.

En même temps, il faut reconnaître qu'il n'y a pas beaucoup de choix dans le coin. Ceci dit, je dois avouer que son annonce de plan de fou pour s'éclater le week-end a attisé ma curiosité. Demain soir, 22 heures, porte en bois du 4ter rue de l'Argin. Il m'a promis que ça me plairait. J'attends de voir...

Et si on continuait à cracher dans le dos des gens ? Très bien, alors passons à la pimbêche du bahut... Alexia... Non merde, Alexandra. Ouais c'est Alexandra. Pas très intéressante. Elle se donne des airs de chiennasse, mais elle ne va pas au bout. C'est une princesse qui veut se prendre pour une pute. La preuve, mademoiselle a un putain de lit à baldaquin. Clairement le genre de meufs qui n'a rien à montrer derrière sa tonne de maquillage.

Le fils du directeur ? Ce fils de pute. Lui, c'est un homme à abattre. Autant dire qu'attendre juin pour lui casser véritablement la gueule, ça va être long.

Plus j'y songe et plus le constat me parait terrible :  je ne retrouverai pas des gens comme Gab, Cass ou Tom ici. Ce lycée de bourges est rempli de sales cons et de salopes. Bon, Cassie aussi est une salope, mais c'est une salope cinglée et c'est ça qui change tout. Un sourire m'échappe, car je sais que si elle était là, ma casse burnes serait ravie du compliment.

Avoir un appartement rien que pour soi, c'est cool, même si la solitude pèse un peu. C'est vrai que les habitudes avec ma mère ont tendance à vouloir revenir. Le matin, j'ai l'automatisme de songer à prendre dix minutes de plus pour sa douche, puis je me rappelle qu'elle n'est pas là. Mais l'avantage d'être seul, c'est que je peux vivre au rythme que je veux. Je peux manger ce que je veux. Je peux baiser qui je veux. Et je peux foutre le bordel quand je veux.

C'est étrange de se sentir si éloigné du Victor que j'étais il y a quelques semaines. Même pas un mois auparavant, j'aurais été prêt à buter Nicolas pour que ma mère reste avec moi. Mais depuis, cette dernière a une infirmière à ses petits soins, mon oncle répare ma bagnole et moi, moi tel un rat, je finis par bien aimer ma cage.

Alors peut-être que même si je n'aime pas les gens qui trainent dans ce lycée et que je trouve cette ville d'un ennui mortel, garder cet appartement pourrait être cool. Seulement pour ce faire, il faut que ma mère soit satisfaite de mon comportement et surtout de mes résultats au bahut. Bon je l'avoue, j'ai plutôt mal démarré avec cette expulsion, mais je peux peut-être me rattraper...

Je vais peut-être adopter l'attitude de Gab... Moi Victor Hark alias le mec qui déglinguait tout le monde dans son ancien lycée, je vais me faire discret et j'éviterai de me frotter à des gens chiants dont je n'en tirerai aucun intérêt. D'ailleurs, je vais commencer avec Poil de carotte qui se prend pour une prof alors qu'elle est plus puissante qu'une double dose de somnifères.

Je lui enverrai son fichu exercice, comme ça, elle ne me fera plus chier et arrêtera de penser que je suis le plus con du lycée. Comme si son cours sur la notion de vérité en philosophie était nouveau pour moi. Je n'ai jamais été le genre de mec qui répond aux questions des profs, mais j'ai des oreilles bordel. J'ai beau ne pas prendre les cours, mon cerveau, ce connard, enregistre. Bien souvent, il enregistre des trucs dont j'en ai rien à faire. Mais pour une fois, ça va peut-être me servir.

Alors que je donne une conclusion à mes résolutions, mon regard est attiré par quelque chose par terre. Quelque chose de jaune.

Intrigué, je me lève de mon lit et m'approche de l'objet non identifié. Plus je m'avance et plus je devine ce que c'est. Il ne manquait plus que ça ! Voilà que la rouquine a fait tomber son ruban de chasteté.

J'attrape le ruban et lève les yeux au ciel.

Voyons Poil de carotte, les rubans dans les cheveux, ce n'est plus de cette époque, reviens sur Terre !

Je regarde le tissu et en voyant une écriture au dos, je fronce les sourcils. « A la plus aimante fille de la Terre, Samuel »

Je manque m'étouffer tellement c'est ridicule. Faire broder un ruban pour une meuf ? Il n'y a rien de plus craignos ! Déjà que je trouvais ridicule de graver un bracelet ou un collier mais alors là un ruban... on aura tout vu !

En tout cas, Poil de carotte doit l'aimer ce ruban puisqu'il porte l'odeur de son parfum. Si ça se trouve, elle dort même avec, la folle.

Je me demande combien de temps elle va mettre avant de réaliser qu'elle a perdu le cadeau de ce Samuel. Peut-être lorsqu'elle va vouloir attacher sa chevelure bouclée jusqu'à la racine. Est-ce que je le lui rendrais ? Tout en fixant l'accessoire, je me dis que ça pourrait finalement devenir un moyen de pression ou bien une nouvelle occasion de me foutre de sa gueule. D'ailleurs, songer à ça me rappelle que j'ai une adresse mail à rentrer sur des sites de cul.

Ensuite, je répondrai à Lucie et si elle me chauffe suffisamment, peut-être que je lui dirais de passer à l'appartement.

Les écorchés - Tome 2 : Seconde chanceWhere stories live. Discover now