Les écorchés - Tome 2 : Seconde chance

16 - PERLE

Un samedi de décembre :

— Perle dépêche-toi, je vais être en retard !

Alors que la voix de ma mère, en bas de l'escalier, me presse, je continue à retourner toute ma chambre.

— Oui, j'arrive ! m'écrié-je.

Ma mère m'attend pour le cours de danse, quant à moi, si je mets en désordre toute la pièce, c'est parce que j'ai perdu mon ruban. Le ruban de Samuel. Le ruban dont je ne me sépare jamais.

— C'est pas possible, soufflé-je en me mordant les lèvres.

— Bon Perle, ça suffit ! Il faut qu'on y aille. Mais qu'est-ce que tu fais ?

Ma mère apparait à l'angle de ma chambre.

— J'ai perdu quelque chose.

— Eh bien tu le chercheras plus tard.

— Non, je peux pas.

— Écoute Perle, tu as déjà séché un de mes cours alors je pense que niveau rébellion, c'est déjà pas mal. Donc tu vas sortir de cette chambre, monter dans la voiture avec moi et tu vas arrêter de faire des histoires.

Je sais que je ne devrais pas accorder de l'importance à un ruban offert par un homme qui va épouser ma cousine. Néanmoins, je n'ai pas de contrôle sur mon cœur et même si cela m'embête, je dois me rendre à l'évidence. Je suis brisée d'apprendre que j'ai perdu la seule chose qui me rattaché encore à Sam.

— Perle ! s'impatiente ma mère.

Le cœur lourd, j'abandonne ma chambre.

***

Pour une fois, je n'arrive pas la première dans les vestiaires et tandis que des regards se posent sur moi, je me dépêche de rejoindre ma partie du banc, celle où les autres ne vont jamais. Sous les murmures, je me change. C'est difficile de faire comme si on n'entendait pas des conversations.

Samedi dernier, ma mère a annoncé officiellement qu'elle allait lancer une audition pour le ballet qu'elle compte écrire pour le spectacle de fin d'année de la classe. Et même si rien n'a été dit, je sais que les autres danseuses me voient d'un mauvais œil.

Tandis que j'attrape une de mes pointes, les orteils bandés, je croise un regard, celui de Louane. Cela fait des années que je danse dans la classe de ma mère. Des années que je subis des réflexions. Des années que je me sens illégitime. Et des années que je la vois, silencieuse, un peu en décalage.

Jamais je ne l'ai vue me fusiller du regard. Jamais je ne l'ai entendue rire des moqueries des autres et même si cela veut dire qu'elle pourrait peut-être être ma seule alliée dans cette classe, je n'ai jamais eu le courage d'aller lui parler.

— Grouillez-vous ou on va être en retard et la prof va encore râler ! s'exclame Céline.

La petite troupe s'active et tandis que les vestiaires se vident peu à peu, je m'attaque au bandage de mon deuxième pied.

— Si tu obtiens le rôle, elles te pourriront la vie.

Surprise, je relève la tête. Louane est encore là, assise sur un des bancs.

— Je sais.

Disons que je m'y attendais.

— Elles ont même parlé de détruire ton tutu ou casser tes pointes.

Je ne pensais pas que la première fois que Louane m'adresserait la parole, ça serait pour ça.

— Pourquoi tu me le dis ?