17 - VICTOR

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Collé contre ma fenêtre, je regarde Poil de carotte tourner en rond depuis une vingtaine de minutes. En fait, elle est plus amusante qu'ennuyante. Du moins en ce moment. Ses cheveux roux volent dans tous les sens à cause du vent. Contrairement à l'intello que j'ai pu voir en cours, je vois ici une boule de feu ruminer.

Alors au bout d'une demi-heure, je décide d'aller voir ce qu'il se passe, non pas que j'ai pitié d'elle, je suis juste bouffé par la curiosité.

Après avoir descendu les escaliers et être sorti de ma résidence, j'avance vers l'abribus avec discrétion. D'après ce que j'entends, elle semble s'énerver après son portable. Et vu qu'elle n'a pas encore remarqué ma présence, elle parle toute seule, comme une vieille.

Afin de lui faire remarquer mon arrivée, je me laisse tomber sur le banc et regarde la route. Aussitôt, la furie (nouveau surnom, il lui va plutôt bien en ce moment) se tait. Après un soupir, elle me tourne le dos. Puis au bout de quelques minutes, elle s'assoit carrément par terre.

— Qu'est-ce que tu fous la furie ?

Ma question la fait sursauter. J'ai ensuite droit à un pur regard noir, c'est le premier qu'elle ose m'envoyer. Le premier pour aujourd'hui disons.

Trouvant la scène plutôt amusante, je quitte le banc pour la rejoindre par terre. Il n'y a rien à y comprendre. Cette nana est tout le contraire de celles qui me collent comme des sangs-sues, pourtant, au lieu de la fuir, je préfère la coller. C'est peut-être à cause de ses réactions ? Parfois excessives, parfois contrôlées, parfois loufoques, on ne sait jamais sur quel pied danser avec celle-là. Un peu comme avec Cass... Sauf que mon amie n'a pas un balai dans le cul, elle.

— J'attends.

— OK.

Je regarde à nouveau devant moi et alors qu'un caillou essayait de retenir toute mon attention, je choisis d'emmerder Poil de carotte à la place.

— Et tu peux me dire ce que tu attends ? Parce qu'à moins que tu ne l'aies pas compris mais il n'y a plus de bus.

Ma question lui vaut un soupir. C'est limite si elle ne va pas enfuir son visage dans ses mains. Je crois qu'elle va craquer.

— Puis j'ai pas ma bagnole alors je ne risque pas de te ramener.

Bon, même si je l'avais, je ne l'aurais pas ramenée, mais je ne vais pas le dire. Le but, c'est de la faire chier dans l'instantanée.

Parce que je me décale vers elle, Poil de carotte fait de même mais de l'autre côté, sauf qu'elle cogne dans le poteau et cela entraine un énième soupir de sa part.

— Il n'y a plus de bus, donc j'essaie d'appeler mon père mais mon portable fait des siennes. En plus, il avait un rendez-vous important ce soir alors c'est pas sûr qu'il réponde.

Eh bien, on dirait que ce n'est pas son jour.

— Et ta mère ?

— Elle est en voyage de formation jusqu'à vendredi.

Si je me souviens bien, la pimbêche m'a dit qu'elle était fille de danseurs. Ça vaut le coup de faire quelques grands écarts, ça paie des voyages de formation !

Un silence s'installe et l'amusement commence à déguerpir. Je devrais peut-être remonter chez moi et laisser la furie dans son coin.

— Je peux emprunter ton portable ?

Je vais peut-être attendre finalement.

— Et pourquoi je te le prêterai ?

Le vert sapin de ses yeux passe à la couleur du néant. Je l'énerve. Et justement, c'est ce que je préfère faire.

Les écorchés - Tome 2 : Seconde chanceOpowieści tętniące życiem. Odkryj je teraz