Les écorchés - Tome 2 : Seconde chance

6 - PERLE

Lorsque j'arrive à mon cours de danse classique, je laisse tomber mon sac de cours dans les vestiaires. J'enfile mes collants, mon juste au corps puis mes pointes. Je m'avance ensuite vers les miroirs et me tire les cheveux en un chignon serré. Tandis que je passe la main sur mes cheveux plaqués, j'entends une conversation monter en volume alors je devine que le reste des élèves arrive.

Je tiens toujours à être la première à ma répétition de danse le mardi soir. C'est une habitude que je ne compte pas abandonner. Le silence qui m'accueille à chaque fois dans les vestiaires est reposant.

Je regarde mon reflet dans le miroir. Les poches sous mes yeux semblent avoir gonflé depuis ce matin. Je les déteste. Je trouve qu'elles agrandissent mon regard et mes iris sont déjà assez volumineux à mon goût. Mes tâches de rousseur elles, me valent carrément un soupir. On dirait que j'ai le visage sale. Lorsque j'étais petite, c'était sujet de moquerie. Autrefois, Chanel m'aidait à les cacher avec ses solutions miracle à base de fond de teint. Seulement désormais qu'elle n'est plus là, je ne sais pas, je n'ai pas la force de le faire toute seule.

Je remarque qu'une de mes bouclettes a échappé à mon chignon et je tire dessus.

— Salut tout le monde ! s'écrie soudainement Céline en rentrant et je sursaute.

Gênée, parce que je suis la seule dans les vestiaires pour le moment, je passe une main sur mon juste au corps comme pour le lisser et sors de la pièce. Sur le chemin, je croise mes camarades. La plupart m'ignore. C'est ainsi depuis des années. Ce n'est pas grave, je vais commencer à m'échauffer.

Je n'aime pas traîner dans les vestiaires avec les filles. Je ne me sens pas à l'aise. Encore moins lorsque c'est le mardi soir, étant donné que c'est ma mère qui donne le cours.

Cette dernière est d'ailleurs dans sa combinaison juste au corps noir et m'adresse un très léger sourire en me voyant. Elle allume la musique et avec sa grâce légendaire se dirige vers moi. Je me tords les doigts et arrête de respirer tandis qu'elle arrange ma bouclette rebelle. Je pensais l'avoir domptée, mais je me trompais.

— Je n'ai pas encore eu le temps de t'en parler mais ton père et moi, on aimerait que tu représentes ta classe au spectacle de danse. Tu sais, celui dont j'ai parlé la semaine dernière.

Je ravale ma salive et regarde derrière moi pour être certaine que personne ne soit encore là.

— Tu ne crois pas que les autres vont me haïr si c'est moi qui obtiens le rôle, alors que...

Je ne poursuis pas ma phrase car elle sait très bien où je veux en venir. Si j'ai le rôle, on dira que c'est parce que je suis la fille du professeure, et je n'ai vraiment pas besoin de ça. Déjà que les filles ne m'apprécient pas particulièrement.

— Très bien, alors on organisera une audition ! Mais tu sais que tu es la meilleure danseuse de ma classe.

Malgré notre lien de sang, je sais qu'elle est objective. Parce que je travaille dur et que mes parents ne laissent pas la place à l'à peu près.

Adoptant soudainement une allure stricte et professionnelle, ma mère s'éloigne de moi. Je n'ai pas besoin de me retourner, les chuchotements derrière moi le confirment : tout le monde est là. Alors le cours peut débuter.

Comme à chaque fois, les chorégraphies s'entremêlent, causant un méli-mélo ordonné à la perfection.

Je pourrais danser des heures sans que je ne m'en rende compte. J'aime la danse, même si je dois m'infliger ces chorégraphies dénuées de sens, même si j'aimerais me laisser bercer par la musique et non pas par des enchaînements programmées.