6 part 2 - PERLE

75 22 4
                                    

Comme chaque repas, il se fait en silence et désagréablement froid. Hormis le bruit des couverts cognant dans les assiettes, ces instants ne sont jamais sujet aux discussions. Je me demande si c'est ainsi dans les autres familles. Celles que l'on voit à la télévision sont-elles totalement utopiques ?

— Hugues nous a parlé du No 1 de Bach pour le spectacle de fin d'année, annonce subitement ma mère ce qui fait que sous la surprise ma main dérape et la fourchette fait grincer l'assiette. Il nous a aussi dit que tu ne t'étais pas prononcé pour l'instant.

J'attrape mon verre, avale difficilement mon eau puis fixe la table. Le fait que mes parents connaissent pratiquement tous les gens autour de moi est source de situations telles que celle-ci.

Parfois, je haïs ma vie.

***

Un mercredi de décembre :

Le mercredi est le seul jour où je n'ai pas philosophie. Et heureusement car donner un cours de violon à un collégien qui ne perd pas une minute pour poser des questions auxquelles je n'ai pas de réponse, est plus que fatiguant.

C'est comme si je devais répondre à l'interrogatoire d'un enfant de cinq ans. Quoi que je dise, Matthieu trouve toujours quelque chose à redire. Je me demande si c'est un cours de violon ou s'il s'agit plutôt d'un cours de philosophie sur la musique...

Lorsque je suis enfin délivrée des questions déroutantes de Matthieu, c'est-à dire trois quart d'heure plus tard, je découvre avec surprise que le seul bus qui devait circuler cet après-midi a été annulé.

Je regarde une nouvelle fois les horaires spécialement modifiées et soupire. Je ferme les yeux et prie pour que ce ne soit qu'une petite farce. Je suis bloquée ici jusqu'à demain, à moins que mes parents viennent me chercher. Et étant donné qu'ils ne finissent pas avant ce soir, je crois que la suite se devine assez facilement.

Comment le service de transports en commun de la ville peut faire une chose pareille à ses utilisateurs ? Quant à moi, j'aurais dû vérifier qu'il n'y avait de soucis sur internet. Seulement depuis quelques jours, j'ai la tête ailleurs. Est-ce que mon emploi du temps est trop chargé ? Est-ce le trop plein ?

Je l'ignore néanmoins le fait est là, depuis quelques jours, je réfléchis à l'envers.

Déprimée, je me laisse tomber sur le banc et prends la tête entre les mains. Comment ai-je pu être aussi imprudente ? Je vérifie toujours deux à trois fois les horaires de trajet...

Je regarde mes contacts dans mon répertoire et me prends de nouveau la tête entre les mains. Je n'ai personne à appeler sauf mes parents. Parmi toutes mes connaissances, il n'y a personne qui conduit et à moins que l'on vienne me chercher à vélo, je ne sais pas comment on pourrait m'aider.

A part peut-être Hugues, mon professeur de violon. Mais si je l'appelle, il va me reparler de Bach et la relance de ma mère hier soir était suffisante.

Je regarde ma montre et voir que j'ai perdu une demi-heure, assise sur ce banc m'horripile. Je devais aller au club de lecture et même si je n'étais pas vraiment motivée, cela me fait de la peine. J'imagine Anna, m'attendant en espérant que son amie ne se dégonfle pas. Je ne peux pas lui faire ça...

J'appuie sur le contact de mon amie et croise les doigts pour que mon portable ne me fasse pas un sale coup. Il n'est pas rare que la carte sim plante. Je devrais contacter l'opérateur pour en demander une nouvelle, seulement à chaque fois, j'oublie.

— Perle enfin ! s'exclame mon amie dès qu'elle décroche. Bon sang, j'ai essayé de t'appeler mainte fois, ça sonnait toujours occupé. Où es-tu ?

— C'est à cause de mon problème de carte sim. Je suis coincée chez le collégien à qui je donne le cours de violon car plus aucun bus ne passe aujourd'hui.

Les écorchés - Tome 2 : Seconde chanceWhere stories live. Discover now