1 part 2 - VICTOR

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Pratiquement une heure après l'entrevue avec le directeur qui veut qu'on lui lèche les pieds, ou les boules, je ne me suis pas encore décidé, je pousse la porte de l'appartement et ma mère pose son sac à main sur la commode dans le couloir.

Je n'ai pas bronché de tout le trajet. Heureusement, car en conduisant, j'aurais été capable d'avoir un accident tellement mon corps était électrique et que c'était le bordel dans ma tête.

Bonté divine. Un lycée privé !

Est-ce que tu te rends compte de la gentillesse de ton proviseur ? Te transférer ailleurs au lieu de te dénoncer à la police... Peu de gens de nos jours ferait un acte si généreux.

Comme je vous l'ai dit précédemment, ma mère était au courant de ma petite affaire et bien qu'elle n'était pas d'accord au départ, elle a dû reconnaître que ça nous aidait. Trouver du travail pour une paraplégique n'est vraiment pas évident et si je ne ramène pas l'argent à la maison, personne ne le fera.

Et comment je vais faire pour le fric maintenant ? lâché-je enfin.

Je n'en pouvais plus de garder pour moi.

— C'était notre seule rentrée d'argent depuis qu'ils ont décidé de te sucrer les aides car on a répondu trop tardivement à leur questionnaire de merde.

Ouais, je ne citerai pas l'organisme parce que ce sont vraiment des bouffons et que dire leur nom reviendrait à les respecter, même un chouia. Sérieux, qui demande à une paraplégique de confirmer tous les ans qu'elle est toujours bloquée en fauteuil et qu'elle ne s'est pas mis à faire un marathon en secret ?

Bon, au final, parce qu'on a tardé à répondre à leur questionnaire du diable, ils ont déclaré qu'il fallait refaire une demande de reconnaissance de personne en situation de handicap. Et leur paperasse de l'enfer, ça prend des siècles à être traité. Du coup, à part quand je vendais un peu de came ou bien quand je nettoyais les chiottes en été, on n'a rien qui tombe sur le compte de ma mère. Par contre, le loyer lui, il continue d'être débité chaque mois...

— Puis un lycée privé, c'est grave cher ! continué-je en me laissant tomber sur mon canapé-lit qui me sert aussi de chambre et de salle à manger. On n'aura jamais assez de fric pour payer !

Ma mère prend un air grave. Est-ce que je dois retenir ma respiration ? La tornade va-t-elle être au programme ce soir ?

Pendant que tu fumais ta cigarette et que j'attendais dans ta voiture, j'ai téléphoné à ton oncle Nicolas.

Attendez, elle a téléphoné à cette merde ?

— Il va m'héberger quelque temps, continue-t-elle d'une voix assurée. Et on va rendre l'appartement. Je vais écrire la lettre de départ du logement dès maintenant et je te demanderais de bien vouloir aller le poster avant l'heure de récolte.

Je mets quelques secondes avant de réaliser ce qu'elle vient de dire. Rendre l'appartement ? A-t-elle oublié le préavis de trois mois ? Se croit-elle dans le monde des petits poneys ?

Puis ce pédant de Nicolas a proposé à ma mère de l'héberger ? Comme s'il était capable de s'occuper correctement d'elle... Comme s'il était digne de ma mère !

Et où est-ce que je vais pioncer moi ?

Je sais que je passe pour le gars qui ne pense qu'à lui, mais je n'ai rien trouvé d'autre à dire. Je sais que si j'ose traiter son frère de con, j'aurais le droit à la tornade et ma vie est assez une chienne sans que ma mère en rajoute une couche.

Bonté divine, je suis transféré dans un lycée de nonnes ! Enfin, je ne crois pas qu'il y a des nonnes. Mais c'est du privé, alors c'est sûr que ça sera un vrai couvent.

Les écorchés - Tome 2 : Seconde chanceWhere stories live. Discover now