9 - VICTOR

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Un vendredi de décembre :

La cigarette à la main, adossé contre le muret du lycée, je fixe l'horizon. Une semaine passée ici et j'ai déjà l'impression que je vais péter un câble. C'est dingue...

Comme j'avais promis à Gabriel, je rentre chez moi ce week-end. Il me tarde de revoir la troupe, il me tarde de revoir ma mère et de la sauver des bras de mon oncle minable. Ce constat m'arrache un sourire mais il s'éteint vite lorsque j'aperçois trois mecs roder autour de ma voiture.

Je jette ma clope par terre et sans plus attendre, je vais vérifier que l'on ne prépare pas de sale coup. Les trois mecs regardent ma bagnole puis en me voyant, celui du milieu lâche un sourire en coin.

— C'est ta caisse ? demande le châtain et je ne réponds pas.

Je devine sans trop de mal que ce n'est pas véritablement ma bagnole qui l'intéresse.

— T'es le nouveau c'est ça ? continue-t-il. Comment ils ont dit déjà ? Hum ah ouais, le cas social !

Le châtain ricane tandis que les deux abrutis à côté de lui l'imitent. Il est plus petit que ses molosses, il est tout rachitique et dégueulasse avec ses yeux de vipère, mais il pue le fric.

Et je suppose qu'ici, c'est ce qui compte le plus.

— Mon père m'a dit que ton lycée t'avait viré ? À ce qu'il paraît on jouait au dur au vendant de la drogue... Dis-moi, t'en aurais pas un peu pour moi et mes potes ?

Il y a un silence car je ne réponds pas et me contente de le regarder, les mains dans les poches de mon pantalon. Je connais ce genre de merdeux. C'est un fils à papa, qui n'a rien dans le froc, mais parce qu'il est riche, il se croit tout permis et insaisissable. Le but de ces mecs, c'est de causer le cahot autour d'eux.

Putain, je quitte un lycée à cause d'un footballeur de mes deux et me retrouve désormais avec riche sans couille. La vermine, il y en a définitivement partout. Même dans ce lycée privé.

Je repense à leur affiche publicitaire merdique : "Le lycée Sainte Anne, le lycée de tous les possibles, le lycée où votre avenir est notre plus gros projet". Ouais, mon cul !

— Mais attends... si j'ai bien compris, dans la logique des choses tu devrais être derrière des barreaux, non ? Bah alors, on voulait pas aller en taule ?

— La taule comme un sale clébard, ajoute le gros boutonneux.

Les deux idiots rigolent mais je ne lâche pas le regard du châtain. Ce n'est pas difficile de comprendre que c'est lui le chef du groupe.

Avec ses cheveux enduis de gel et son allure de petit péteux, il me sort de la tête. Je ne dois pas être le seul ici qu'il agace et je pense qu'il joue là-dessus.

— En fait, ils nous l'ont envoyé car ils ne savaient pas quoi en faire du cas social, lâche-t-il en se marrant.

— Eh, il n'a toujours pas parlé, enchaîne celui qui ne l'avait pas encore ouvert. Si ça se trouve il est muet !

J'ignore la réplique ridicule du crâne rasé et reste immobile. Je donne un léger coup d'œil derrière nous et je découvre que de nombreux regards sont posés sur moi.

Était-ce leur plan de venir m'emmerder le dernier jour de la semaine ? Bordel, mais quelle bande de connards...

— Il vend du crac, il est viré de son établissement et il se la joue « le roi du lycée » chez nous ? Non mais sérieux, tu t'es cru où mec ?

Malgré l'approche du châtain, je ne recule pas, il ne me fait pas peur. D'abord car je le dépasse sans mal et en plus car il n'a pas l'air si futé qu'il veut faire paraître. Alors ce n'est pas un microbe comme lui qui va me faire reculer.

 — Cas social, c'est pour ta mère ou pour toi ? attaque de nouveau le châtain. Parce que le dealer fils d'une handicapée ne sait peut-être pas parler finalement ? Avec une mère pareille, ça ne doit pas tourner très rond dans la tête en même temps...

Je suis envahi par la colère mais mon cerveau fonctionne toujours assez bien pour que je me demande comment il a eu ces informations. Seulement vu sa tête d'abruti et son assurance, je comprends soudainement.

— T'es Maxime Grant, c'est ça ?

— Oh miracle, il sait parler ! réplique le concerné.

Je lâche un rire nerveux et tourne la tête sur le côté. Ma mâchoire se contracte, je serre le poing et sans plus attendre je l'envoie en pleine figure de l'abruti en face de moi.

J'étais à peine arrivé dans ce bahut que je savais déjà qu'il y avait un emmerdeur de première, un emmerdeur couvert par son père, le directeur. Je ne pensais juste pas qu'il viendrait me faire chier.

— Oh putain, le connard ! s'exclame Grant en se tenant la mâchoire.

J'esquive son coup et l'abruti encore un peu sonné rage de colère et frustration.

— Fils de pute ! crache-t-il et j'abandonne ma conscience qui me disait de ne pas faire d'histoire.

Je me jette sur ce Maxime, l'oblige à se plier en deux et le fait tourner avant de le lâcher en lui donnant un coup de genou dans le menton. Il s'effondre dans l'arbuste qui était derrière moi. Je m'apprête à lui infliger la correction qu'il mérite quand deux mains puissantes m'attrapent les épaules. Je regarde à droite puis à gauche et reconnais les serviteurs de monsieur.

Distrait le temps de quelques secondes, je n'ai pas le temps de voir Maxime revenir à la charge et je reçois un coup dans le ventre. J'arrive à me défaire de l'emprise de ses deux imbéciles mais Maxime me donne un deuxième coup, dans l'œil cette fois-ci.

Je me suis souvent battu, parfois même pour m'amuser avec Gabriel. Ce n'était jamais bien violent, même si on ne tapait pas comme des fillettes malgré tout. Je devrais être en état de me défendre. Je sais me battre. Oh oui bon sang, je sais me battre et même si c'est quelque chose de mal, j'adore ça.

Seulement aujourd'hui, je n'ai pas le dessus. Seul contre trois, je risque de ne pas faire le poids.

— Ta mère n'est qu'une sale chienne, et tu sais quoi ? Je suis sûr que même mon père l'a sautée ! C'est pour cette raison que tu as été accepté ici, pauvre con. Parce qu'il a eu pitié du bâtard sans père avec sa traînée de mère !

Finalement, je vais peut-être avoir le dessus...

Je ne réfléchis plus, j'oublie la douleur dans mon ventre et je charge en direction de l'abruti. Je lui envoie deux coups dans la mâchoire. Je ne sens plus rien. Je ne me contrôle plus rien, ni mon cerveau qui me crie de lui exploser la gueule, ni même mon corps qui devient une machine à tuer.

— Connard, crié-je fou de rage.

Il a osé insulter ma mère. Et il y a certaines choses qui ne sont pas à dire devant moi, dans mon dos non plus d'ailleurs.

Je suis tel un démon que l'on aurait relâché après des années d'enfermement, seulement avant que je le cogne une nouvelle fois, on m'attire en arrière. J'essaie de me défaire de l'emprise mais on me tient fermement. Je comprends qu'il ne s'agit pas des deux serviteurs, puisque je les vois à côté de Maxime, qui est toujours par terre.

Lorsque l'on me relâche pour que je me retourne et que je vois le directeur se matérialiser devant moi, je comprends que je vais passer un sale quart d'heure.

Le sourire de Maxime au loin s'intensifie tandis que l'on me dit quelque chose que je n'entends pas, ma tête cogne trop pour que j'entende quoique ce soit. La colère m'alimente et lorsque l'on me fait avancer vers le portail, je ne rechigne pas. Le sang qui tape dans mes tempes m'empêche d'entendre les élèves autour de moi.

C'est cet abruti qui insulte ma mère et c'est moi qui suis traité comme le taré. Lycée de merde...

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NDA : Ce n'est pas parce que Vic a changé de lycée qu'il n'y a plus de connard. Justement, nous venons de faire la connaissance du plus gros connard de Sainte Anne : Maxime, le fils du directeur.

Ça va barder pour Victor... Qu'est-ce qui l'attend d'après vous ?

Les écorchés - Tome 2 : Seconde chanceWhere stories live. Discover now