Chapitre 3

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Chapitre3

Effy

J'embrasse une dernière fois Omar et claque une bise à Tina et Jim avant de sauter de l'estrade pour rejoindre mon bel inconnu. J'ai bien l'intention de renoncer aux hommes, ou du moins à quoi que ce soit de sérieux avec l'un d'entre eux. Mais j'ai quand même le droit de me distraire, non ? Ce Mattéo est la distraction qu'il me fallait. Beau garçon, qui semble avoir de l'humour et à qui je pense avoir taper dans l'œil. Doute qui est immédiatement confirmé quand je le rejoins et que je découvre qu'il est en train de me déshabiller du regard. Ses yeux noirs d'encre me scannent de la tête aux pieds. Ça me rend fébrile mais je continue d'avancer en donnant l'impression d'être sûre de moi.

-Tu es très singulière comme fille, glisse-t-il à mon oreille quand j'arrive à sa hauteur.

J'étouffe un rire et rougis en ne réussissant plus à le regarder. Il m'impressionne. Non seulement il est très bien bâti mais son regard tactile qu'il promène partout sur moi a tendance à réveiller une féminité endormie depuis bien longtemps. Mais ça n'ira pas plus loin, je ne suis pas prête.

- Il faut que j'y aille, je crie par-dessus la musique.

Son sourire se radoucit et il retrouve cet air renfermé qu'il arborait au bar.

- Tu ne peux pas rester encore un peu ?

Le ton dans sa voix est attendrissant, mais je ne céderai pas. Pas ce soir.

- Ma mère risque de s'inquiéter si je rentre trop tard.

-Je t'accompagne alors.

Je ne proteste pas. J'ai bien le droit de profiter de sa présence encore un peu, non ? En se frayant un chemin parmi la foule bien conséquente pour un mercredi soir nous nous dirigeons vers la sortie. Arrivée en bas des marches je me retourne pour m'assurer que je ne l'ai pas perdu en cours de route et découvre un smiley fluo derrière moi. J'éclate de rire.

- Quoi ? demande t-il.

-Rien j'avais oublié que tu avais cette tête. Tu as perdu toute ta virilité d'un seul coup.

Son corps imposant passe devant moi en me frôlant d'un peu trop prêt.

-Ma virilité, vraiment ? murmure-t-il dans un souffle chaud.

Ce contact me déstabilise, j'ai du mal à continuer.

-Tu viens Miss singulière ? lance-t-il une fois arrivé en haut des escaliers.

*

Nous marchons côte à côte, dans ce dédale de ruelles pavées seulement éclairé par la faible lumière des lampadaires. Aucun de nous ne prononcent un mot mais le silence ne me gêne pas, il a même tendance à me captiver. Rien besoin de se dire tout passe par les coups d'œil furtifs qu'on se lance de temps à autre. J'ai toujours douté de mon charme mais la manière dont cet homme me dévisage réconforte mon ego et me donne envie de battre davantage des cils. Après avoir contourné la façade rose de l'épicerie Astur Market nous rejoignons l'axe principal. Un taxi passe par là, je lève une main pour lui faire signe de s'arrêter. Le chauffeur se gare le long du trottoir et Mattéo m'ouvre la portière avec une grande galanterie. Mais avant que je ne rentre à l'intérieur d'un geste presque violent il récupère sa casquette pour l'enfoncer sur sa tête. Le charme est rompu. Il s'installe sur la banquette arrière après moi sans jeter le moindre regard à l'homme qui nous interroge sur notre destination.

-Avenue Contrabrico s'il vous plaît.

Le chauffeur s'engage sur la route en nous dévisageant à travers le rétroviseur.

-Vous êtes du coin ? demande t-il.

Les yeux rivés sur ses genoux Mattéo ne dit rien.

-Oui, j'ai grandi ici, je réponds un brin décontenancée par son impolitesse.

Le vieil homme continue de poser un tas de questions des plus banales sans que l'homme qui m'accompagne n'ouvre la bouche. Gênée par son mutisme je demande d'allumer la radio pour mettre fin au silence pesant qui s'est installé. La voix d'une journaliste retrace chaque action du match pendant que nous continuons de rouler dans les rues sombres du quartier de mon enfance. Le taxi se gare devant l'immeuble de ma mère et enfin Mattéo relève les yeux. Je récupère mon sac et remercie le chauffeur en lui tendant un billet. Avant que je ne puisse dire au revoir à mon rencard de ce soir il est déjà sorti de la voiture pour venir ouvrir ma portière. Non mais sérieusement qui fait ça ?

La main tendu et un sourire en coin sur les lèvres il m'invite à sortir.

- Laissez le compteur tourner, ordonne t-il à l'homme qui attend.

Tout en me demandant si cet homme ne serait pas bipolaire j'avance, ma main dans la sienne jusqu'au perron de l'immeuble.

- Bon ben ... Merci de m'avoir ramener, je bredouille en relâchant sa main.

- Je peux te donner mon numéro ?

Il sort ça de but en blanc. Et son audace me perturbe tellement que je lui donne mon téléphone sans même réfléchir.

- Tu me dois toujours un verre je te signal, dit-il en pianotant sur l'écran.

Son regard est malicieux et son sourire aguicheur, ça me rend toute chose. Il me tend mon téléphone et enlève sa casquette qu'il pose sur le sommet de mon crâne avec une délicatesse déstabilisante.

- Tu es sûr ? Tu avais l'air de beaucoup tenir à cette casquette.

Il rit et mes yeux se perdent sur ses zygomatiques qui font vibrer sa mâchoire carrée.

- J'en ai d'autres ne t'en fais pas.

-Ah, bah merci... Au revoir ?

J'attrape la poignet de la porte mais il ne me laisse pas faire un pas de plus. D'un geste habile il récupère l'une de mes mains. Le contact chaud de ses doigts déclenche une vague de frisson tout le long de ma colonne vertébrale. Ses yeux noirs s'enfoncent dans les miens et sans que je ne puisse me défiler il porte ma main à ses lèvres pour y déposer un baiser sur son dos.

Je rougie.

-Á bientôt Effy, répond t-il en la relâchant doucement.



Sans m'avoir laissé le temps de répondre, il est parti.

Nos âmes tourmentéesNơi câu chuyện tồn tại. Hãy khám phá bây giờ