Nos âmes tourmentées

Chapitre 54

Effy

Comme Édith Piaf, ma chambre a la forme d'une cage.
Sauf qu'à la différence d'elle c'est que travailler ne me dérange pas. C'est de penser qui est douloureux. Parce que à chaque fois que je pense je m'égare et je ressens le manque. Je ne pouvais pas me permettre de trop le faire, c'est pour ça que je suis parti en laissant derrière moi tous les bons souvenirs. Depuis c'était comme si j'étais anesthésiée de l'intérieur. Je ne ressens plus aucune émotions et passe mes journées à regarder dans le vide, l'esprit ailleurs. Mais mes yeux ne peuvent s'empêcher de voir et il y a toujours quelque chose qui me fait penser à lui. Ça me met en colère parce que j'avais enfin réussi à me convaincre que personne ne viendrait se mettre en travers de mon chemin pour me ralentir. C'est pour ça que je bosse à fond en passant mes journées assise sur cette chaise,derrière mon bureau, à ingurgiter des tonnes et des tonnes de bouquins. Je révise tout le programme de première année en m'inondant le cerveau de centaines de lois. Je me force à réciter à voix haute tout ce que j'apprends sans jamais me donner la possibilité de m'égarer. Mais des fois je faute. Comme lorsque je reçois un énième message d'Omar qui me supplie de rentrer à la maison.

Cette fois-ci il me l'impose. Il a claqué toutes ses économies dans un billet de train non remboursable qu'il vient de m'envoyer en photo. La date correspond à la finale de la Coupe des champion pour laquelle l'Espagne a réussi à se qualifier. Jamais je n'avais laissé Omar assister seul à ce genre d'événement et je sais qu'il ne me pardonnera pas de l'abandonner, encore. Je n'ai pas le choix de céder. Je finis par lui répondre en pestant intérieurement :

-Tu as gagné.

Je clique sur envoyé et une dizaine de seconde plus tard des tonnes de smileys envahissent mon écran. Je remets mon portable en silencieux et me replonge dans mes révisions avant que mon imagination se mette à jouer le scénario d'une possible rencontre avec un homme aux yeux noir d'encre.