Chapitre 25

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Hélios

Je franchis les portes d'un bar appelé l'Absolut en me demandant si Effy ne s'est pas jouée de moi. J'ai enfoncé ma casquette pour dissimuler mon visage mais vu la planète sur laquelle semble avoir atterri les clients j'ai l'impression que ce n'était pas nécessaire. Des femmes recouvertes de tatouage et de latex font glisser leur nez sur le comptoir en aspirant ce qui semble être de la cocaïne tandis qu'un homme beugle sur son tabouret, le tee-shirt couvert de vomi. La musique électro est assourdissante et la pièce tellement chargée en fumée qu'on a du mal à distinguer les tables du fond.

J'ai eu une période où les amphétamines étaient devenues mes compagnes de soirée. Mais je les ai vite lâchées, c'est un cercle vicieux la drogue. Malheureusement quand je trouve Effy parmi la foule je devine que ça n'a pas été son cas. Ce n'est pas étonnant de l'avoir vu si réticente à l'idée de faire la fête dans un hôtel. Elle enchaîne des traces de poudre aux côtés de personnes que Felipe qualifierait de "peu recommandables" et je comprends alors pourquoi elle répétait sans cesse que nous n'étions pas du même monde. Mais en voyant la manière dont un type lui frotte le dos avec un regard pervers alors qu'elle se penche en avant j'ai une furieuse envie de l'arracher au sien pour l'emmener dans le mien. Elle se relève surexcitée en levant fièrement sa paille. Au moment où son regard croise le mien son sourire tombe instantanément. Je m'avance quand même et découvre que ses pupilles sont énormes et le blanc de ses yeux jaunâtres. Elle essaye de rester droite mais son corps est flasque comme du chewing-gum.

-Qu'est-ce que tu fou là ?

Il y a du venin dans sa voix, quelque chose qui ne me plaît pas du tout. Ce n'est pas la Effy que j'aime bien ça.

-C'est toi qui m'a demandé de venir.

-Waouh et Son Altesse a fait le déplacement !

Je la regarde sévèrement pour qu'elle se taise mais de toute évidence elle est trop défoncée pour être maître d'elle-même.

-Ah oui pardon c'est vrai Mattéo.

En temps normal j'aurais ri mais à cet instant je n'ai vraiment pas la tête à ça.

-Prends tes affaires, je vais te ramener chez toi.

Je tente d'attraper sa main mais elle se retire avec une violence que je ne lui connaissais pas. Quand je la regarde à nouveau elle semble terrorisée.

-Effy calme-toi, je ne vais pas te faire de mal.

J'essaie de la rassurer mais rien n'y fait.

-Fous-moi la paix Tyler ! vocifère-t-elle en récupérant ses affaires.

Elle part à toute vitesse et se retrouve à l'extérieur sans me laisser une chance de la rattraper. Quand je parviens à la rejoindre je la retrouve en plein trip au milieu de la chaussée. Zigzaguant entre les voitures qui klaxonnent, elle s'appuie sur le capot d'un homme qui lui hurle de se pousser. Elle se décale et une moto sort en trombe du carrefour. Elle lève les mains, les yeux fermés. Les phares l'éblouissent et comme un animal perdu au milieu d'une autoroute elle se tétanise, en attendant sa fin.

Il faut que je la sorte de là !

Sans réfléchir mes jambes courent à grandes foulées. Je me faufile entre les voitures et tel un rugbyman je me jette violemment sur elle en la plaquant au sol. Les klaxons. Les phares. L'impact. Le bitume. Nos corps roulent par terre. Sa tête se niche entre mes bras juste avant qu'on ne s'écrase sur le trottoir. Je ne desserre pas mon emprise. Je ne respire pas. Je n'ouvre pas les yeux. J'attends. J'attends une respiration qui ne vient pas. Et enfin après d'interminables secondes, une grande bouffée. Mes paupières se relèvent. Ses lèvres sont à quelques millimètres des miennes. Je réprime le désir absurde de les aspirer. Ce n'est pas le moment. Son souffle est lent. Son cœur lui bat la chamade. Ses yeux vitreux bougent de haut en bas, de droite à gauche, sans donner l'impression de voir quoi que ce soit. Le temps d'une seconde, elle semble recouvrer ses esprits.

-Tu m'as sauvé.

Puis ses bras me repoussent et elle se retourne pour vomir tripes et boyaux dans le caniveau. Je la laisse tranquille, elle a besoin d'air. Pendant que son estomac se vide je tente de me relever mais ma tête tourne. J'ai du mal à comprendre ce qui vient de se passer. Je n'ai pas le temps de m'attarder sur la question. Effy est en larme et de son poing serré elle tape le bitume de toutes ses forces. Je me penche vers elle et récupère sa main avant qu'elle ne se l'écorche davantage. Ses yeux sont tellement gonflés qu'on distingue difficilement ses magnifiques iris turquoises. De la morve coule de son nez, ses joues sont recouvertes de maquillage, elle a du vomi dans les cheveux. Son apparence est repoussante et pourtant je ne l'ai jamais trouvé aussi belle.

Enfin elle enlève la carapace.

-Je ne vais pas bien, je ne vais pas bien.. répète-t-elle en boucle.

Les bras enroulés autour de ses genoux, elle se balance d'avant en arrière pendant que les larmes inondent ses joues. Je n'avais pas prévu de m'investir comme ça. Mais cette fille a piqué mon cœur et je ne peux laisser le sien continuer de pleurer ainsi. Assis en tailleur j'attends à nouveau.

-Il me faut Omar, marmonne-t-elle entre deux sanglots.

J'essuie une de ses joues et lorsque son menton se relève ses pupilles éclatées chamboulent tout mon univers.

-Viens, je te ramène chez toi.



Elle cède et me tend sa main. Maintenant que je l'ai attrapée je ne compte plus la lâcher, parole de prince.

Nos âmes tourmentéesTahanan ng mga kuwento. Tumuklas ngayon