Chapitre 30

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Hélios

Ce soir Effy n'a abusé de rien d'autre que du Red Bull. Et les canettes de boisson énergisante qu'elle s'est enfilée lui font un sacré effet. Miss singulière est déchaînée !

Pour être honnête, j'ai du mal à suivre le rythme. Et je ne suis pas le seul. Omar est en nage et à voir la couleur de ses joues il ne va pas tarder à être en hyperventilation. Ça fait plus d'une heure maintenant que l'on danse à en perdre haleine. Si je dois sauter encore une seule fois je sais que mes jambes ne le supporteront pas. Effy ne semble pas ressentir les effets de la fatigue et continue de faire voler ses bras dans tous les sens. Je réussis à les éviter de justesse en me penchant pour la prévenir que j'ai besoin d'une pause. Mais elle ne m'entend pas. Elle ne me prête même pas attention en faite. J'abandonne et la laisse derrière moi pour aller m'asseoir en retrait sur la pelouse et tenter de retrouver une respiration normale. Omar me rejoint quelques minutes plus tard en me tendant une bouteille d'eau que j'accepte volontiers.

-Alors Votre Altesse, on abandonne déjà ?

Je prends le temps de boire une longue gorgée avant de lui répondre.

-Juste une pause.

Il s'assoit à côté de moi et on reste un petit moment à bouger la tête en rythme avec la musique.

-J'ai entendu dire que Tyler avait reçu la visite de trois types bien baraqués, dit-il sans quitter la foule des yeux.

Il ne me regarde pas mais moi oui.

-Tu pensais vraiment que je n'allais rien faire ?

Il sort un paquet de cigarette de sa poche et m'en tend une. Je refuse, il n'insiste pas.

-Alors il se passe quoi maintenant ? demande-t-il en recrachant de la fumée.

-Comment ça ?

-Je veux dire maintenant que tu es arrivé sur ton cheval blanc et que tu t'es débarrassé de la vilaine sorcière ? Tu compte t'enfuir en emportant la princesse ou tu vas la laisser sur le bord de la route et retourner dans ton grand palais ?

Ses mots viennent de faire éclater ma bulle. La couronne revient se poser sur mon crâne et j'ai beau essayer de l'arracher de toutes mes forces, elle reste accrochée. Effy vit dans ma tête depuis le début de l'été et y a pris toute la place. J'ai envie d'elle, je veux les soirées romantiques, les nuits torrides et les matins câlins. Mais ces vacances ne seront pas éternelles et Omar vient de poser un doigt sur ce que je refuse de voir depuis que ses yeux océan m'ont ensorcelés. Je n'aurai jamais le droit à plus d'un été avec elle. Il ne me regarde toujours pas mais je sais qu'il attend une réponse. Je sais aussi que celle que j'ai à lui donner ne lui conviendra pas. Alors je préfère changer de sujet.

-Qu'est-ce qui t'as poussé à dénoncer Tyler ?

Il me regarde enfin et semble surpris par ma question. Je sais qu'il m'aime bien mais il garde toujours des réserves, comme son amie. Il aspire une longue bouffée sur sa cigarette et j'attends patiemment qu'il me livre une nouvelle partie de l'histoire. Ses yeux se retournent sur la foule et un sourire se dessine sur son visage. Je devine qu'il a repéré Effy en la trouvant à mon tour. Elle est resplendissante avec sa tresse qui vole dans tous les sens au milieu de toutes ces personnes aux joues rouges et aux corps en sueur.

-Effy ce n'est pas mon amie, me coupe Omar dans mes pensées.

Je me concentre à nouveau sur lui.

-C'est mon âme-sœur. Je l'ai su le jour où j'ai vu ses grosses boots noires envoyer un coup de pied dans les couilles de Thomas Anderson. Il était en train de me cracher dessus avec ses copains et moi je pleurais, recroquevillé sur moi même en priant pour que ça s'arrête. Ils se sont vite barrés après qu'Ef soit arrivée. Elle m'a tendu sa main et m'a aidé à me relever puis elle m'a promis que je ne serai plus jamais seul. Quand on a débarqué aux Asturies avec mes parents je ne parlais pas très bien espagnol et disons que ça plus « ma différence », ça n'a pas aidé à me faire des copains. Je les ai supplié pour que l'on rentre en Pologne tous les jours. Mais une fois que cette gamine avec ses cheveux emmêlés a débarqué dans ma vie je n'ai plus jamais eu envie de partir.

Il prend une pause pour aspirer une nouvelle bouffée.

-Quand son père est parti j'ai essayé d'être là pour elle. Mais je n'ai pas réussi. Tyler l'a prise sous son aile et j'avais beau tout essayer pour faire en sorte que ça n'arrive pas, j'ai fini par perdre ma meilleure amie. Effy est devenue une vrai connasse, je ne la supportais plus. Un jour elle s'est permise de balancer devant tout le monde que si j'étais malheureux c'était juste parce que je n'osais pas avouer que j'aimais les garçons. J'ai eu envie de l'étrangler ce soir là ! Mais à la place je lui ai dis de rentrer chez Tyler parce que c'était la dernière personne qui voulait encore d'elle.

Ses yeux deviennent brumeux et même si il arbore le même sourire menteur qu'Effy, je sais qu'il a mal et qu'il s'en veut. Il écrase son mégot et boit une gorgée d'eau avant de reprendre.

-Je suis resté deux mois sans prendre aucune nouvelle d'elle. Et puis un jour j'ai croisé sa mère dans l'escalier. Ce n'était plus la Rosalie que je connaissais, elle avait beaucoup maigri et ses yeux étaient tellement cernés qu'on aurait pu croire qu'elle sortait d'un combat de boxe. Elle m'a vu et elle s'est mise à pleurer. Je n'ai pas pu m'empêcher de la prendre dans mes bras. Elle m'a supplié de lui ramener son bébé et même si j'étais toujours fâché contre Effy j'ai accepté. J'ai débarqué chez Tyler prêt à la ramener de force à la maison. Je me suis caché derrière la fenêtre et là je l'ai trouvé à moitié consciente couchée sur le lit, le nez couvert de poudre. J'ai voulu la sortir de là mais c'était une vrai loque et je n'arrivais pas à la porter. J'ai entendu la moto de Tyler arrivait et j'ai flippé. Je suis sorti et j'ai attendu dans un coin. Comme si j'aurais eu le cran de faire quoi que ce soit ...Tyler est rentré et il a lui gueulé dessus. Elle réagissait à peine mais il en avait rien à faire et il a fini par la pousser du lit. C'est là que je l'ai vu plonger sa main dans le matelas et en sortir un gros sac. Effy s'est agrippée à lui mais il lui a envoyé une baffe pour qu'elle le lâche. J'ai eu envie de rentrer mais je n'en ai pas eu le courage.

-Tu as eu raison d'aller voir la police.

Il rit nerveusement et je vois bien dans ses yeux que mes mots n'ont aucun effet.

-Toi au moins tu as fait en sorte qu'on lui refasse le portrait, répond-il énervé.

Je m'apprête à lui répondre que ce n'est pas vraiment plus courageux mais Effy est en train d'arriver. Depuis qu'elle s'est confiée à moi je ne me suis jamais permis de lui reparler de son ex. Mais ça ne m'a pas empêcher d'agir dans l'ombre. J'ai fait des recherches sur ce Tyler et grâce aux relations d'Estienne avec la police j'ai découvert que son casier judiciaire était déjà bien conséquent pour un homme de seulement vingt deux ans. Agression en bande organisée, cambriolage, trafic de stupéfiant ... Estienne m'avait ensuite mis en relation avec des anciens militaires que j'avais généreusement payé pour qu'ils lui rendent une petite visite. J'aurais pris beaucoup de plaisir à sentir la boîte crânienne de ce type s'écraser sous mes poings mais je ne peux décemment pas voir mon nom mêlé à toute cette histoire. J'ai beau tenir à cette fille, je tiens aussi un minimum à la vie et mon père n'hésiterait pas à me tuer si tout ça lui venait aux oreilles.

-On a mal aux jambes les filles ? lance Effy en s'avachissant entre nous.

-On ne carbure pas tous au sperme de taureau ! lui répond Omar.

-Tu devrais essayer.

Elle lui propose sa canette mais celui-ci refuse et se relève en époussetant son derrière.

-Votre Altesse, lance-t-il en faisant une révérence.

J'esquisse un sourire tandis qu'il disparaît peu à peu dans la marée humaine agglutinée devant les enceintes.

-Alors de quoi vous étiez en train de parler ? me demande Effy.

Son épaule frotte la mienne lorsqu'elle porte une cigarette entre ses lèvres. Je frissonne.

-De tout et de rien, nos envies, nos rêves, je mens.

-Ah bon ? Et c'est quoi ton rêve? demande-t-elle en me regardant dans les yeux.

Je peine à contrôler mon souffle mais je relève le défi, je ne baisse pas le regard.

-Tu veux dire à part t'embrasser ?

Elle rougis et baisse les yeux.

J'ai encore gagné !
Mais cette fois la victoire me laisse un goût amer. Comme si à chaque fois que je remportais une manche je me préparais à mieux me vautrer lors de la finale.

Nos âmes tourmentéesWhere stories live. Discover now